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Classes inversées, Flipped Classrooms … Ca flippe quoi au juste ?

Dans ce blog, nous avons déjà eu l’occasion maintes fois de vous parler des dispositifs hybrides et des Flipped Classrooms, les classes inversées. Voici quelques billets préliminaires à notre sujet :

5 facettes pour construire un dispositif hybride : du concret !

Après une introduction à la notion de dispositif hybride pour enseigner et apprendre, nous donnons quelques conseils concrets  “pour enseigner et pour favoriser l’apprentissage en ligne” basés sur les 5 facettes de “notre” modèle pragmatique d’apprentissage. J’illustre ce modèle dans un autre billet “J’enseigne moins, ils apprennent mieux“.

Dispositif Hybride, flipped classroom … suite

Dans un précédent billet, je définissais la notion d’hybridation … pour être bref, un mélange fertile d’enseignement et d’apprentissage traditionnels et d’enseignement et d’apprentissage à distance.

Et finalement :  J’enseigne moins, ils apprennent mieux …

Des lecteurs de ce Blog m’ont demandé de présenter un dispositif concret où je mets en action les cinq facettes de mon modèle d’apprentissage ou encore l’intégration des compétences dans l’enseignement … Voici une présentation de l’un de mes cours, un dispositif hybride dans lequel je mets en pratique ces idées (une version antérieure de cette présentation a été publiée dans notre journal “Résonances” de janvier 2011). Je l’ai écrite sous la forme d’une interview … que je me fais à moi-même … une opération de réflexivité !

Un point de synthèse

Le concept, ou en tout cas l’appellation de Flipped Classrooms, est apparu vers 2007 quand deux enseignants en chimie dans le secondaire, Jonathan Bergman et Aaron Sams ont découvert le potentiel de vidéos (PowerPoint commentés, Screencast, Podcast …) pour motiver leurs élèves à préparer les leçons en classe afin de rendre ces dernières plus interactives : Lectures at Home and HomeWork in Class, le slogan était lancé. L’air de rien, cette méthode est à la fois une petite révolution par rapport à l’enseignement dit traditionnel (le magistral, l’enseignement ex cathedra) et une piste d’évolution acceptable et progressive pour les enseignants qui souhaitent se diriger vers une formation davantage centrée sur l’apprenant, ses connaissances et ses compétences.

L’hybridation que proposent les Flipped Classrooms est une voie intéressante pour les institutions qui se cherchent (pas trop longtemps, j’espère) ou qui cherchent une planche de salut (oui, je pense qu’on en est là) devant l’efflorescence des MOOC (la virtualisation de l’enseignement traditionnel encore trop présent) et le potentiel des PLE (Personal Learning Environment) en matière d’activités d’appropriation et d’interactivités. Plus précisément, à l’instar des réseaux dans lesquels nous sommes inscrits, les institutions ont grand intérêt à établir de tels réseaux (entre les universités et au sein des régions voire en inter-région) … des associations d’universités comme celles présentes dans Coursera montrent le chemin et ne pas le prendre présente un péril non négligeable pour l’avenir des institutions à l’ère numérique.

Autour de ce concept de Flipped Classrooms, les variations sont infinies et nous vous en proposons une définition alternative plus large (une définition construite avec un mémorant, Antoine Defise) : Une « flipped classroom » ou « classe inversée » est une méthode pédagogique où la partie transmissive de l’enseignement (exposé, consignes, protocole,…) se fait « à distance » en préalable à une séance en présence, notamment à l’aide des technologies (ex. : vidéo en ligne du cours, lecture de documents papier, préparation d’exercice,…) et où l’apprentissage basé sur les activités et les interactions se fait « en présence » (ex. : échanges entre l’enseignant et les étudiants et entre pairs, projet de groupe, activité de laboratoire, séminaire,…).

La figure ci-dessous (et la suivante) montre combien cette méthode articule présence-distance (avec des paramètres de mobilité et flexibilité) et enseigner-apprendre. Dans le paradigme traditionnel, l’enseignement (dans sa partie transmissive) se fait en présence (le cours a lieu à telle heure dans tel amphi) et l’apprentissage se fait à la maison, au kot (la chambre d’étudiant en Belge, pensons aux devoirs, au blocus …).

Clairement, les Flipped Classrooms évacuent, si on peut dire, la partie transmissive hors de la classe pour redonner à cette dernière son potentiel d’apprentissage et de co-apprentissage. Il en résulte aussi une révision des statuts des savoirs (en particulier ceux de nature informelle), des rôles assumés par les étudiants et les enseignants … En outre, nul besoin de flipper tout son enseignement en une fois : une activité parmi d’autres, quelques semaines sur le quadrimestre. De quoi expérimenter et évoluer en douceur. Malgré l’origine initiale de la méthode, une Flipped Classrooms, ce n’est pas juste une vidéo avant le « cours » et du débat pendant le « cours ».

(1) Recherche d’informations, lecture d’un article, d’un chapitre, d’un blog …, préparation d’une thématique à exposer, interviews ou micro-trottoirs … à réaliser seul ou en groupe avant une séance en présentiel. Le résultat des investigations peut être déposé dans un dossier sur une plateforme, des avis, opinions, commentaires, questions … peuvent être déposés sur un forum, la vidéo réalisée peut être déposée sur YouTube …

(2) Présentation de la thématique, débat sur des articles lus, analyse argumentée du travail d’un autre groupe, création d’une carte conceptuelle commune à partir des avis, opinions, commentaires … récoltés, mini-colloque dans lequel un groupe présente et un autre organise le débat … pendant le moment (l’espace-temps) du présenciel …

Les « inventeurs » des Flipped Classrooms, Jonathan Bergman et Aaron Sams, expriment bien les transformations, les flips,  induites par cette méthode (voir par exemple le site The Daily Riff) :

The Flipped Classroom IS :

  • A means to INCREASE interaction and personalized contact time between students and teachers.
  • An environment where students take responsibility for their own learning.
  • A classroom where the teacher is not the « sage on the stage », but the « guide on the side ».
  • A blending of direct instruction with constructivist learning.
  • A classroom where students who are absent due to illness or extra-curricular activities such as athletics or field-trips, don’t get left behind.
  • A class where content is permanently archived for review or remediation.
  • A class where all students are engaged in their learning.
  • A place where all students can get a personalized education.

The Flipped Classroom is NOT :

  • A synonym for online videos. When most people hear about the flipped class all they think about are the videos.  It is the the interaction and the meaningful learning activities that occur during the face-to-face time that is most important.
  • About replacing teachers with videos.
  • An online course.
  • Students working without structure.
  • Students spending the entire class staring at a computer screen.
  • Students working in isolation.

Mes Flips à moi

Lors d’une conférence récente, Forum@TICe à Reims en 2012, j’ai proposé ma compréhension des divers flips qu’entraînent les Flipped Classrooms. Ils en font selon moi, une véritable « Killer Apps pédagogique » dont les institutions d’enseignement (de l’école à l’université) devraient s’emparer rapidement. Il s’agit aussi d’un tournant décisif par rapport à l’enseignement traditionnel (ex cathedra) hérité d’une époque où le livre était rare et d’une occasion de mutation pour les enseignants qui veulent (à juste titre d’ailleurs) transmettre les (leurs) connaissances tout en développant les plus que jamais nécessaires compétences. Les savoirs traditionnellement transmis ne « valent plus grand-chose » comme le montrent les MOOC (Massive Online Open Courses) dans lesquels les « cours » des plus prestigieuses universités sont distribués gratuitement. Il nous faut donc flipper vers des dispositifs pédagogiques à hautes valeurs ajoutées et les Flipped Classrooms sont une modalité transitoire (en terme de développement professionnel des enseignants) de cette évolution.

1) Mieux utiliser les espaces (mobilité, présence-distance) et les temps (flexibilité, synchrone-asynchrone) de l’enseigner et de l’apprendre (flipper l’espace-temps)

Je pense qu’il s’agit là de l’apport Number 1 des technologies actuelles : vaincre les contraintes de l’espace-temps. Un emétaphore d’ancien physicien sans doute après celle de l’ordre et du désordre.

2) Proposer une formation plus individualisée et davantage en résonance avec les rythmes, les styles et les activités de chacun (flipper approches globales-analytiques, surface-profondeur). Le principe de variété n’est pas loin ! On apprend de différentes façons avec souvent l’un ou l’autre mode priviligié … On apprend en écoutant, en imitant, en expérimentant, en explorant, en se trompant …en réfléchissant sur sa façon d’apprendre et celle des autres. Le Learning by doing est une façon d’apprendre, une !

Leclercq, D. & Poumay, M. (2005) The 8 Learning Events Model and its principles. Release 2005-1. LabSET.
University of Liège, available at http://www.labset.net/media/prod/8LEM.pdf p 10/11

3) Mieux balancer la nécessaire transmission des savoirs et le développement des savoir-faire et savoir-être, des compétences et de l’apprendre à apprendre (flipper les savoirs et les taxonomies, proposer des situations problèmes qui convoquent les savoirs). Faut-il nécessairement avoir toutes les connaissances nécessaires … pour analyser, créer, faire des hypothèses … ? La taxonomie de Bloom peut se retrouver sur sa pointe comme le montre l’apprentissage par problèmes : une situation complexe, authentique, contextualisée … est l’occasion de convoquer les savoirs nécessaires à sa réalisation ou à sa résolution. Les savoir-faire (analyser la situation et son contexte, préciser les questions qui se posent, émettre des hypothèses, évaluer leur pertinence …) peuvent précéder les savoirs !

4) Rendre les étudiants davantage actifs et interactifs, plus impliqués (flipper transmission et appropriation). Pensons-nous vraiment que nous allons développer les compétences de nos référentiels en donnant (uniquement) des cours magistraux ! Je pense qu’ils sont révolus et qu’ils ne peuvent plus, à eux-seuls constituer le « patrimoine pédagogique » d’une institution : ils sont distribués gratuitement au travers des MOOC. Quelles valeurs ajoutées allons-nous proposer ? Rencontrer des enseignants ? Des étudiants en formation à distance nous disent avoir trouvé plus de présence dans ces cours que dans les cours en amphi. Confondrions-nous présence et proximité ? Confondrions-nous distance et absence ?

D’autres billets de ce Blog vous documenteront là-dessus :

Les compétences et les « CCC » : Capacités, Contenus et Contextes, Learning Outcomes, apprentissage et dispositif, approche programme …

et aussi :  Comprendre l’apprentissage pour enseigner … J’enseigne oui, mais apprennent-ils ?

5) Répondre à des questions que les étudiants se posent plutôt que de leur donner des réponses à des questions qu’ils ne se posent pas (flipper les rôles, flipper les savants et les ignorants)

Plus que des terriens (qui suivent les cartes routières), ce sont des marins que nous allons devoir former. Michel Fabre nous dit : « Nous étions terriens dans un monde stable ; nous sommes devenus marins dans un monde héraclitéen où tout est changement, déconstruction et reconstruction … L’éducation doit s’adapter à ce monde problématique. La transmission des savoirs anciens devient inutilisable ; il faut “renoncer à chercher la certitude dans des référentiels fixes ”
• la carte, —l’expérience, les savoirs antérieurs, ces certitudes devenues provisoires— et
• la boussole —le questionnement, le doute, la problématisation—, pour que les jeunes s’orientent sur la carte et, surtout, puissent y ouvrir d’autres chemins. (Michel Fabre, 2011).

Andreas Schleicher (OCDE) nous dit : We live in a fast-changing world, and producing more of the same knowledge and skills will not suffice to address the challenges of the future. A generation ago, teachers could expect that what they taught would last their students a lifetime. Today, because of rapid economic and social change, schools have to prepare students for jobs that have not yet been created, technologies that have not yet been invented and problems that we don’t yet know will arise.


6) Apprendre aux étudiants à enseigner toute la vie durant (un autre flip de l’enseigner-apprendre). Les exercices de compétences proposés en classe (communiquer, argumenter, présenter ces trouvailles …) prépareront les étudiants à enseigner toute la vie durant. Tous, nous dit-on, nous devons apprendre toute la vie durant, apprendre à apprendre toute la vie durant. Mais qui seront nos formateurs ? Nous bien sur ! Apprendre à enseigner ne peut plus continuer à être une pièce rapportée sur le tronc des matières enseignées ou à enseigner. Apprenons à enseigner tout au long de notre apprentissage. Les communautés d’apprentissage sont aussi des communautés de (co-)formation.

7) Pour les enseignants, leur permettre une appropriation (un développement professionnel) progressive … nul besoin de tout « flipper » en une fois. L’enseignant peut commencer par une ou deux semaines de Flipped Classrooms dans son « cours », plusieurs fois une ou deux semaines au long de son cours, hybrider complètement son dispositif …

Forum@Tice 2012

Voici pour terminer la vidéo tournée à Reims : Forum@Tice « Apprendre à l’ère du numérique » (3 octobre 2012)


N’hésitez pas à commenter (Laisser un commentaire, ci-dessous), à donner la description de votre classe inversée à vous, de proposer d’autres flips que vous avez constatés … et à faire suivre ce billet s’il vous a plu !

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42 comments to Classes inversées, Flipped Classrooms … Ca flippe quoi au juste ?

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