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Ordre et désordre dans l’enseignement et l’apprentissage avec le numérique

Apprendre, apprendre à « apprendre » et … apprendre à « apprendre à apprendre »

Plusieurs d’entre vous le savent : je suis physicien de formation initiale issu du domaine des particules élémentaires (ce que ne sont pas nos étudiants, n’est-ce pas ?), devenu technopédagogue par déformation, réformation … successives. Ceci peut expliquer en partie l’utilisation que je fais de certains concepts pédagogiques et scientifiques, dans un amalgame salutaire entre sciences exactes et sciences humaines. Un diapo d’une récente conférence témoigne de ma quête à la recherche de dialogues, de tierces places entre philosophie, éducation, sciences et histoire : Des espaces-temps pour enseigner et apprendre

Ici, je m’étendrai un peu sur les notions d’ordre et de désordre dont j’ai initié les contextualisations pédagogiques dans des vidéos, des causeries avec mon collègue et ami Christophe Batier : la mayonnaise pédagogique, l’analyse d’un scénario connectiviste

Quelques éléments extraits de ces causeries :

  • Enseigner, c’est mettre en place des conditions, des circonstances, des environnements où l’étudiant, l’apprenant pourra apprendre …
  • C’est une condition nécessaire, mais elle est loin d’être suffisante …
  • Apprendre, c’est mettre de l’ordre dans le désordre, dans son désordre …
  • Un bon enseignement avec les TICe, c’est d’abord un bon enseignement. (point)
  • Apprendre en groupe, en réseau … c’est avant tout apprendre en soi.
  • Etre compétent, c’est activer des savoir-agir sur des contenus dans des contextes différents …
  • Systémique ? Pour que les TICe aient un impact positif (des valeurs ajoutées) sur la pédagogie (l’apprentissage), il faut que la pédagogie (le dispositif mis en place) change

Ce sont des discussions qui ont été répercutées dans plusieurs médias, sites et blogs dont :

–       Thot Cursus … http://bit.ly/nmOm1m

–       Apprendre 2.0 … De l’ordre et du désordre

A. Quelques éléments « théoriques » sur l’ordre et le désordre

1. Moi, j’enseigne à un élève « moyenne des élèves de ma classe »

Le déterminisme influence profondément nos façons de penser. Finalement, il est rassurant en nous permettant de prévoir le résultat de nos actions. Si je fais comme cela, alors … Si j’enseigne comme ceci, si j’utilise tel outil … alors … Laplace disait : nous devons envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux (Pierre-Simon Laplace, Essai philosophique sur les probabilités, 1814). Ce déterminisme, originaire des sciences exactes, a été largement adopté par d’autres sciences … au risque de la perte d’une vue systémique pourtant bien nécessaire dans les problématiques humaines qui nous concernent. Les variables dépendantes influent parfois sur les variables indépendantes qui dès lors ne le restent guère.

Retour pédagogique : on voit bien l’impact de ceci sur l’enseignement programmé, certaines formes traditionnelles d’enseignement (donner des signes, expliquer clairement le chemin, mettre sous son enseigne), certaines formes d’ingénierie pédagogique qui proposent des « autoroutes » pédagogiques au détriment des errances voire des erreurs nécessaires à l’apprentissage (la carte au lieu de la boussole, le gps en place du guide touristique) … Cette modélisation reste donc pour moi d’un modèle à l’ordre “zéro” qui peut expliquer de larges tendances, des principes généraux … Le premier terme d’un développement en série dont les suivants permettront de rencontrer tout à la fois le détail et la variété …

2. J’enseigne, oui … mais apprennent-ils, eux si différents ?

Oui, mais les étudiants ne sont pas des particules élémentaires (!) qui s’orientent dans la direction du champ magnétique de l’enseignement. On le saurait !, et les faibles taux de réussite de nos étudiants dans les premières années contredisent cette évidence : J’enseigne, oui … mais apprennent-ils ? Pour le moins, des fluctuations sont observées et elles conduisent à développer notre modèle « de communication unilatérale » plus loin. Poincaré (par exemple) dit : une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard…Mais, lors même que les lois naturelles n’auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu’approximativement. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure avec la même approximation, c’est tout ce qu’il nous faut, nous dirons que le phénomène a été prévu, qu’il est régi par des lois ; mais il n’en est pas toujours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux… (Henri Poincaré, Science et méthode, 1908)

Même Bénabar est d’accord : « C’est l’effet papillon … petites causes, grandes conséquences »

Retour pédagogique : la connaissance très exacte des conditions initiales est quelque peu illusoire et ceci implique que de petites incertitudes peuvent conduire à des effets divers, variés, amples … L’effet “papillon” pédagogique est inscrit dans la variété des conditions initiales, ici, les pré-acquis des étudiants, les compétences variées dont ils disposent, les styles d’apprentissage et de communication tout aussi variés. L’enseignant met de l’énergie dans le système mais les effets sont pour le moins différents allant d’étudiants qui décrochent à d’autres qui feront une carrière exceptionnelle. Le principe de variété dans le dispositif pédagogique pourrait y répondre. Fatalité ?

3. Enseigner, faire jaillir l’ordre du désordre – Apprendre, mettre de l’ordre dans son désordre

Allant plus loin encore, Prigogine (prix Nobel belge) a étudié ces structures de désordre associées à la notion d’entropie et aussi au fait que (globalement mais non nécessairement localement) cette entropie ne peut que croître. Il écrit : les développements récents de la physique et de la chimie de non équilibre montrent que la flèche du temps peut être une source d’ordre. Il en était déjà ainsi dans des cas classiques simples, comme la diffusion thermique. Bien sûr, les molécules mettons d’hydrogène et d’azote au sein d’une boite close, évolueront vers un mélange uniforme. Mais chauffons une partie de la boite et refroidissons l’autre. Le système évolue alors vers un état stationnaire dans lequel la concentration de l’hydrogène est plus élevée dans la partie chaude et celle de l’azote dans la partie froide. L’entropie produite par le flux de chaleur, qui est un phénomène irréversible, détruit l’homogénéité du mélange. C’est donc un processus générateur d’ordre, un processus qui serait impossible sans le flux de chaleur. L’irréversibilité mène à la fois au désordre et à l’ordre (Ilya Prigogine, la Fin des certitudes, 1996)

Retour pédagogique : les systèmes complexes (« le monde », « l’apprenant », les autres, nous …) présentent des tendances moyennes déterminées (la thermodynamique ou encore la physique statistique utilisent de telles variables globales : température, pression …) mais aussi des variations locales (les molécules étant dotées de toute une distribution de vitesses, nos étudiants étant différents …). Ils ont la propriété de transformer l’énergie insufflée (les enseignants verront de quoi je parle) en désordre (le principe de l’entropie galopante n’est pas loin). Cependant, dans certains cas, sous certaines conditions, en présence d’éléments critiques, certains systèmes complexes (nos étudiants, nos apprenants, des systèmes microscopiques ou macroscopiques) génèrent pourtant bien des structures ordonnées de connaissances, de compétences, d’attitudes … Ces structures construites, dans une résonance entre des facteurs internes et externes, sont ainsi davantage aptes à être activées dans des contextes variés de la vie quotidienne, de la vie socio-professionnelle, de la vie … L’être humain lui-même est une telle structure née d’un chaos moléculaire et génétique démarré lors du Big Bang … Pour Prigogine, ces structures, qu’il appelle dissipatives, ont la propriété de transformer cette énergie entrante en structures auto-organisées (on parle dans certains cas et dans des domaines variés d’autopoïèse). Cela veut dire que plonger l’étudiant dans des dispositifs désordonnés (sans connotation négative) mais riches et variés (en entrée, par les ressources et outils mis à disposition, par les contextes qui sont convoqués dans la situation pédagogique et en sortie, par les compétences auxquelles ils vont contribuer) peuvent être fertiles potentiellement en termes d’apprentissage des étudiants. Réfléchir à ces conditions et contextes (ma définition initiale d’enseigner) est l’affaire des enseignants.

B. Enseigner et apprendre, en avant toute … à l’ère numérique

Pour Piaget (un pédagogue cette fois), apprendre c’est organiser les apports d’informations et faire évoluer ses propres représentations actuelles en d’autres structures cognitives plus fécondes pour comprendre le monde et agir ainsi sur lui (assimilation et accommodation). Les neurosciences ont bien montré que les experts de la recherche sur le Web mobilisent des structures cérébrales (liées au choix, à la prise de décision) non présentes chez les novices. Pour Vigotski, apprendre c’est faire passer les éléments interpersonnels (le résultat d’un travail de groupe, la culture d’une société, les habitudes …) de l’environnement au niveau intrapersonnel … tout un travail, qui coûte de l’énergie quoi qu’on en dise !

Apprendre à apprendre à l’ère des réseaux et du connectivisme (Siemens), une théorie en filiation aussi avec les théories du Chaos, c’est pourtant d’abord et avant tout apprendre et ces principes d’intériorisation restent indispensables pour permettre à l’individu de se structurer, de se développer, de se positionner par rapport à d’autres structures complexes de la vie sociale, professionnelle, économique, scientifique … et ceci même si (ou d’autant plus que) notre mémoire est de plus en plus externalisée. Allons-nous perdre la mémoire ? Socrates se posait déjà la question à propos d’une merveilleuse invention technologique : l’écriture.

Socrates : Le dieu Theuth, inventeur de l’écriture, dit au roi d’Égypte : « Voici l’invention qui procurera aux Égyptiens plus de savoir et de mémoire : pour la mémoire et le savoir j’ai trouvé le remède [pharmakon] qu’il faut » – Et le roi répliqua : « Dieu très industrieux, autre est l’homme qui se montre capable d’inventer un art, autre celui qui peut discerner la part de préjudice et celle d’avantage qu’il procure à ses utilisateurs. Père des caractères de l’écriture, tu es en train, par complaisance, de leur attribuer un pouvoir contraire à celui qu’ils ont. Conduisant ceux qui les connaîtront à négliger d’exercer leur mémoire, c’est l’oubli qu’ils introduiront dans leurs âmes : faisant confiance à l’écrit, c’est du dehors en recourant à des signes étrangers, et non du dedans, par leurs ressources propres, qu’ils se ressouviendront ; ce n’est donc pas pour la mémoire mais pour le ressouvenir que tu as trouvé un remède (Platon, Phèdre, 274e-275a)

Pourtant même ces discours dialectiques des technologies considérées comme un remède et (conjonction) un poison me semblent vaines (et vous, c’est le côté obscur ou le côté clair de la Force). Une approche médiane de doutes et d’incertitudes (inconfortable donc), une approche systémique aussi de recherche d’équilibres, d’ancrage aux fondements de la pensée, de cohérence entre les objectifs et les moyens, les méthodes … me semblent indispensable.

Lectures variées de tout cela :

On a donc en présence, d’un côté, l’individu qui apprend (« moi ») et de l’autre, l’enseignant, l’environnement, le « monde » … Par autopoïèse (génération de soi-même)[1], l’individu va tout à la fois maintenir (assimilation), modifier et restructurer (accommodation) ses propres structures cognitives … Le « monde » agit sur lui, il se transforme et devient, en retour, de plus en plus apte à modifier le « monde ». Vigotski avait décrit ce cheminement de l’interpersonnel à l’intrapersonnel en mettant en avant le rôle des outils (le langage, par exemple) comme médiateur de ces changements. Des outils qui nous donnent accès au monde, des instruments aussi qui fécondent notre intelligence (une distinction outil/instrument inspirée de Rabardel). N’a-t-on pas décrit plus tard, dans les années 80, le rôle de l’ordinateur comme un pont entre les connaissances et l’individu, entre l’individu et la société, comme un canal entre la société et l’école en rendant davantage transparents les murs de la classe … Encore faudra-t-il que l’école reste un lieu « d’écolage » pour la société numérique complexe ! Il reste à l’apprenant à apprendre, à prendre pour soi. De l’interaction à l’énaction[2], tel est le premier mouvement. Le rôle de l’enseignant est alors de « donner les signes, les balises », de didactiser les contenus pour les rendre appréhendables, assimilables ou encore accommodables par l’individu qui apprend.

Web 2.0, deuxième mouvement …

Cette nécessaire activité de l’apprenant, cette implication socio-constructiviste donc, allait encore être amplifiée par les courants de pédagogie active, par le Learning by doing pour lesquels le système « englobant » avait pour rôle d’initier macroscopiquement (par le dispositif pédagogique mis en place) ces processus microscopiques de « remise en ordre », l’écolage par l’école en quelque sorte. Encore une fois « enseigner, c’est mettre en place des conditions dans lesquelles l’apprenant peut apprendre ». L’utilisateur, l’apprenant passif allait très vite s’émanciper, les outils lui permettant très vite de produire, de participer, de partager, de contribuer au « monde » dans un vaste processus de création d’intelligence collective ou a minima de connaissances partagées … des connaissances de plus en plus nombreuses, de moins en moins générales, de plus en plus éphémères. Le « savoir » construit, validé, stabilisé allait se voir complété par des savoirs plus informels, des savoirs d’action, des savoirs « de pratiques », des savoirs d’interaction. Les systèmes duaux « producteur-valideur », « utilisateur-producteur », « apprenant-enseignant » allaient devenir de plus en plus fractals, l’utilisateur devenant producteur, le producteur utilisateur, l’apprenant devenant enseignant, l’enseignant apprenant[3], la validation provenant du collectif dans un mécanisme d’auto-validation à l’échelle du système. Un objet fractal est un objet dont chaque élément est aussi un objet fractal, un tautologisme qui nous dit qu’à la limite et dans cette image, la structure des connaissances du « monde » est, en potentiel, notre structure de connaissance et vice-versa … Une autre approche de connectivisme sans doute, une description fertile des systèmes complexes, que nous sommes, en tout cas. C’est ici le deuxième mouvement, celui qui va de nous tous vers notre structure commune d’intelligence, de connaissances en tout cas. Dans ce paradigme, apprendre à apprendre devient évidemment plus important qu’apprendre « tout simplement » : A real challenge for any learning theory is to actuate known knowledge at the point of application. When knowledge, however, is needed, but not known, the ability to plug into sources to meet the requirements becomes a vital skill. As knowledge continues to grow and evolve, access to what is needed is more important than what the learner currently possesses (Georges Siemens). Un savoir-agir « instruit » plus déterminant que le savoir. Un savoir « où et quand » davantage activé par nos recherches « sérendipitiques » que les savoirs et savoir-faire intériorisé. Apprendre à apprendre (apprendre au carré ou apprendre 2.0) avec l’outil Web 2.0, tel reste le défi ! Apprendre à apprendre, même si l’objet de l’apprentissage change dans un passage subtil du contenu (les connaissances désormais accessibles) à la méthode (trouver les connaissances, les adapter à son problème, modéliser les réponses, les rediffuser dans le champ partagé des connaissances), reste tout d’abord apprendre, dans une interaction stabilisatrice entre le monde (Le Web 2.0 porteur de contenus et de méthodes) et moi, et nous. Finalement, quitte à être provocant, on n’apprend pas en groupe, on n’apprend pas en ligne … on apprend en soi. Ces deux mouvements entre le sujet et l’objet, entre moi et le monde décrivent bien évidemment la structure systémique dont nous avons parlé plus haut. Pour Michel Serres, les nouvelles technologies ont poussé l’homme à externaliser sa mémoire et le condamnent à devenir intelligents.. Il nous faudra donc être inventifs, intelligents, transparents pour être des acteurs de cette nouvelle période de l’Histoire.

Oui, mais alors, apprendre à apprendre ?

Que mettre en place pour que nos étudiants et nous tous « apprenions à apprendre » ? Quels seront les contextes, les conditions, les incidents critiques qui nous permettront d’apprendre cela ? Qui ou que seront nos enseignants ? Quel(s) enseignant(s) ? Quelle(s) place(s) pour les enseignant(s) ? Quelle(s) formation(s) pour les enseignants ? Quelle(s) place(s) pour les savoir(s), pour les compétence(s), pour le(s) expertise(s), pour les valeurs dont le monde a pourtant bien besoin ? Que faire pour que les structures de désordre générées par le bouillonnement collectif (l’énergie insufflée à l’envers, de l’utilisateur vers le système, vers le Web 2.0, vers le monde) soient utilisables, fertiles, fécondes ? Quelle nécessaire didactisation du Web pour qu’il puisse participer à notre enseignement ? Quel retour des technologies issues de l’intelligence des humains vers notre intelligence à chacun ? Nous apprenions si mal de l’histoire, de l’écrit, du livre. Apprendrons-nous mieux sur la Toile ? Nous, les enseignants, nous avons tant de mal à quitter le stade de l’oralité, de la lecture (en anglais lecture et aussi en français), de l’enseignement ex-cathedra (qui nous vient d’une époque où le livre était rare), nous avons des craintes de laisser lire les étudiants eux-mêmes … allons-nous les  laisser glaner les savoirs sur la Toile. A quand le « schisme pédagogique » ?

Web 3.0 et Apprendre 3.0 ?

Si, comme on le dit, le nouveau Web devient vraiment[4] une extension de notre cerveau (comme naguère l’outil a prolongé le bras de l’homme), comment ses structures de désordre actuelles et désincarnées vont-elles devenir structures dissipatives incarnées, signes d’un apprentissage global, planétaire[5] ? Comment ces outils « sociaux » (qui n’ont pourtant rien de social étant créé bien en dehors de nous, sans une co-contruction expresse et explicite de notre part) pourront-ils contribuer à notre intel-ligence ?

Comment le Web, notre Web va-t-il finalement apprendre, mettre de l’ordre dans son désordre, dans notre désordre ? Que sera ce « Web-apprenant »[6] ? Le Web 2.0 actuel deviendra-t-il suffisamment énactif  pour nous accompagner dans l’apprentissage de l’apprendre à apprendre ? Quels seront les éléments vecteurs de cette autopoïèse à l’échelle de notre cerveau devenu planétaire ? Nous en tant que neurones (neurhommes ?) de ce cerveau partagé ? Nous encore ? Nous toujours ? Nous les curateurs ? Quels seront les outils, les médiateurs ? Le Web qu’on nous prépare pourra-t-il dès lors nous aider à « apprendre à apprendre » comme ressource-outil du troisième mouvement qui retourne de la soi-disant « intelligence collective » enfin devenue intelligente vers nous, éternels apprenants …  Ce sera cela Apprendre 3.0 ? Rendre nos apprentissages, source de réels apprentissages pour d’autres avec le Web 3.0 comme médiateur ?

Comment les connaissances (les savoirS) deviendront-elles mes connaissances (mes savoirS) au travers de nos réseaux de « connaissances » (les humains) ?

Marcel Lebrun, Professeur à l’UCL, Conseiller en « Nouvelles Technologies pour l’éducation »


[1] Le terme autopoïèse vient du grec auto (soi-même), et poièsis (production, création). Il définit la propriété d’un système à se produire lui-même (et à se maintenir, à se définir lui-même). Le terme fait référence à la dynamique des structures en équilibre instable, c’est-à-dire des états organisés (appelés structures dissipatives) qui restent stables pour de longues périodes en dépit de la matière et de l’énergie qui passent à travers (Wikipedia). Le préfixe « auto » (comme dans « automatique ») nous gêne un peu, cette structuration opératoire provenant d’interactions entre l’externe (le système englobant, le dispositif …) et l’interne. Pas de génération spontanée, mais une bonne résonance avec « l’apprenant » à qui il revient … d’apprendre.

[2] La perspective de l’énaction proposée par le biologiste, neurologue et philosophe chilien, Francisco Varela est un paradigme qui défend l’idée que la cognition est d’abord incarnée.

« L’organisme donne forme à son environnement en même temps qu’il est façonné par lui [..] Le comportement est la cause première de toutes les stimulations. [..]Les propriétés des objets perçus et les intentions du sujet, non seulement se mélangent mais constituent un tout nouveau ». Pédagogiquement, il reviendrait selon nous aux pédagogues de décrire les conditions, les éléments critiques … qui font que l’interaction intentionnelle devienne énaction personnelle. Motivation, engagement, implication, volonté et pouvoir d’apprendre.

[3] Le risque de noyade dans la dissolution du moi dans le tout est grande. Où sont les bouées qui permettront l’énaction salvatrice ?

[4] Au-delà d’un réservoir de ressources, nous pensons à une véritable structure cognitive extension de notre organisation cérébrale faite de savoirs certes mais aussi de savoir-faire (compétences), de savoir-être (attitudes), de valeurs …

[5] Des questions se posent quant à la validation des connaissances, à la citation et au plagiat. Quels sens auront encore ces mots ?

[6] Certains parleront du Web 3.0


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