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Autant savoir … des savoirs formalisés à l’intelligence collective

Dans cette nouvelle page, je souhaite aborder la question des savoirs (au pluriel, considérés ici comme un patrimoine d’une communauté, d’une société, d’une culture, découverts dans une posture positiviste – des savoirs déjà-là, naturels ou synthétisés – ou inventés dans une posture constructiviste) en tenant en compte la genèse historique et socioculturelle de ces derniers et leur appropriation par l’Homme c’est-à-dire la transformation de ces savoirs en connaissances intelligemment structurées par l’individu. Ces connaissances seraient donc ancrées dans le sujet (épistémologie Kantienne) et non inscrites dans une réalité indépendante. Elles constituent alors « le savoir » (au singulier) de l’individu décliné dans ses différentes formes : déclaratif, procédural, relationnel … A leur tour, ces connaissances lui permettent d’acquérir de nouveaux savoirs (dans un cycle constructif) et d’augmenter ainsi, si ce n’est son emprise, à la fois sa compréhension de notre environnement et son influence sur ce dernier.

Tout au long de leur quête des savoirs, les humains se sont dotés d’instruments amplificateurs de leurs sens et de leur intelligence ainsi que d’outils démultiplicateurs de leurs actions sur l’environnement (une façon d’intégrer à notre propos la genèse instrumentale de Rabardel). En même temps, le cycle de Kolb (de l’expérience quotidienne à l’expérimentation méthodique) nous équipe d’une grille de lecture de ces cycles permanents entre d’une part modèles explicatifs et contextuels et d’autre part théories universelles et prédictives.

I. Introduction

Ces regards épistémologiques et historiques devraient, comme nous le verrons, nous éclairer in fine sur l’enseignement et en particulier la place des ces techniques et technologies dans l’éducation. Ainsi, nous tenterons d’élaborer quelque peu autour des questions suivantes :

  • Les savoirs sont ainsi à la fois des éléments cachés à découvrir (Képler découvre les lois de … Kepler) et des constructions historiquement et socialement ancrées (Képler était aussi un homme de la Renaissance). Cette posture par rapport au savoir, bien souvent composite des extrêmes annoncés, détermine-elle une certaine façon de considérer l’enseignement, d’utiliser et de promouvoir ou non des méthodes dites actives (socio-constructiviste), d’intégrer les technologies comme un outil d’accès aux savoirs (les fameux MOOC, par exemple) ou un instrument polyfonctionnel d’appropriation des savoirs (les environnements personnels d’apprentissage, par exemple) ?
  • Quelque part, il y a quelques siècles, les savoirs ont remplacé les dieux de l’Olympe qui déterminaient les saisons, les actions humaines … et regardaient d’un mauvais œil les Prométhée de l’innovation. Nul besoin d’anges pour faire tourner les planètes ! Peut-on ainsi mieux comprendre les résistances de l’enseignement « traditionnel », de la tradition orale où uniquement le prêtre, le clerc, le prof dûment institué … peut officier à la transmission « ex-cathedra » des savoirs « révélés » ? Les classes inversées nous conduisent un pas plus loin : dans la société de l’apprendre toute la vie durant, chacun-e devient un enseignant potentiel pour les autres.
  • Le savoir étant dès lors un outil de pouvoir agir, de pouvoir influencer … peut-on dès lors comprendre certaines résistances des citadelles du savoir et autres tours d’ivoire devant l’externalisation des savoirs (déjà commencée il y a longtemps par l’avènement du livre, un média somme toute subversif) et devant l’horizontalisation des formes de formation (l’enseignement mutuel, les communautés d’apprentissage et le compagnonnage ne sont pourtant pas une invention récente)
  • La science progresse par décontextualisation à la recherche d’invariants, de lois, de principes, de théories … Anecdotes et cas particuliers constituent un brouillard qui peut empêcher de distinguer la théorie sous-jacente. Celle-ci dégagée, il est tentant d’enseigner la théorie en la privant ainsi du contexte qui l’a fait naître. Jerome Bruner, dans sa psychologie culturelle, nous dit (je résume) qu’enseigner les sciences (disons au sens large) sans communiquer l’esprit qui anima les chercheurs ou le contexte qui fut le terreau de l’invention … est comme « un emplâtre sur une jambe de bois ».
  • Ce travail de décontextualisation peut être perturbé par le fait que le système observé résiste voire trompe l’observateur. Une prudence s’impose que ce soit à l’échelle quantique (le principe d’incertitude), à l’échelle cosmique (les mirages intergalactiques) ou encore les buzz, les fakes … par lesquels les vecteurs numériques tentent de nous tromper. Vivre ou survivre à l’ère numérique demande un esprit critique solidement construit.
  • Les médias ont cependant aussi un potentiel émancipateur. La bible imprimée des premiers temps de l’imprimerie devait « permettre à chacun » d’accéder directement aux saintes écritures sans passer par la lecture et l’interprétation d’un clerc dûment adoubé. Les livres sont brulés sur la place publique par les dictateurs de tout poil. Les réseaux sociaux participent dorénavant, et tout aussi bien, aux insurrections pour la démocratie et à la propagande démagogique. Peut-on ainsi comprendre que pas mal d’innovations technopédagogiques orientées pourtant vers la participation active, le développement de l’esprit critique et de la créativité  … conduisent bien souvent à une certaine fossilisation des pratiques (le fameux TBI étant principalement utilisé comme tableau noir électrique) ?
  • Les chemins de l’innovation sont scandés d’oscillations successives amorcées par des élans portés par de nouveaux outils, de nouvelles technologies… habilement détournés par des pionniers (les réseaux dits « sociaux » sont transformés en Tweet Class à des fins éducatives). On en a connu de tels élans avec le cinéma, l’enseignement assisté par ordinateur, le multimédia, le web, le numérique, les MOOC … mais les forces de rappel (à l’ordre) des systèmes sont fortes. Peut-on comprendre ainsi pourquoi les soutiens à ces innovations sont le plus souvent concentrés sur l’infrastructure, le matériel, les ressources … sans que les éléments humains soient réellement concernés ?

II. Genèse historique mais néanmoins personnelle des savoirs : un exemple astronomique

Ce premier billet consacré à ces thématiques portera sur la construction sociohistorique des savoirs par l’Homme. Il s’agit d’un récit tout à fait personnel avec en trame de fond les idées suivantes (ouvertes au débat) qui seront prolongées dans d’autres billets :

–       Les savoirs se construisent chez l’individu dans un cheminement « accéléré par la formation » relativement analogue à la construction des savoirs dans l’humanité. On peut penser aux difficultés des étudiants à comprendre la différence entre quantité de mouvement (l’impetus du moyen-âge) et la notion plus moderne de force (et d’accélération). Les stades du développement humain  (pensée concrète, abstraite, formelle, postformelle …) serait-il aussi des stades du développement de l’humanité ?

–       Ce mouvement se passe par une extraction de savoirs modélisés (la course de la Terre autour du soleil) au départ de savoirs contextualisés (les saisons) pour ensuite être extrapolés à d’autres contextes (le cortège planétaire, l’attraction des galaxies). Contextualiser, décontextualiser, recontextualiser  … nous disent les adeptes de l’enseignement stratégique.

–       Apprendre, construire ses connaissances, c’est rechercher de l’ordre dans le désordre ambiant. Ce serait pour moi comme un processus néguentropique à échelle large (les sociétés apprennent aussi) ou à l’échelle individuelle. Une façon aussi de contrer la fuite du temps, de se rassurer en se donnant les moyens d’entrevoir le futur … J’avais déjà commenté cette « vision thermodynamique » dans un autre billet de ce Blog.

–       Apprendre est une activité propre aux humains, aux entreprises, aux sociétés … C’est ainsi que nous introduisons une vision à la fois systémique (complexe, globale) et fractale (des caractéristiques de l’ensemble se retrouvent dans les éléments). On pourrait parler de la recherche d’un isomorphisme entre l’apprentissage collectif ou sociétal et l’apprentissage individuel. La société ou l’institution apprenante n’est pas loin.

–       Les innovations ne sont pas que conceptuelles, matérielles … un temps d’apprentissage, d’appropriation par les humains (individu ou institution) est nécessaire. Il ne suffit pas de disposer d’outils et de ressources pour enseigner. Ils ne garantissent pas l’apprentissage. Mon « J’enseigne, apprennent-ils ? » reste à l’ordre du jour. Des pages à relire sur ce Blog.

–       La résistance au changement (des mentalités surtout) est forte. La position d’équilibre est rassurante et l’innovation de maintien semble préférable à l’innovation de rupture, plus risquée, plus aléatoire. Le « Hype Cycle » montre bien qu’après une poussée forte initiale des forces d’innovation (discours lénifiants sur les TIC dans leurs différentes occurrences), on assiste à un tassement des ardeurs initiales pour en arriver à un autre équilibre (par exemple, une utilisation banalisée) chaque fois plus élevé que le point de départ. Assimilation, accommodation, équilibration …

–       L’innovation se déroule ou s’insinue bien souvent par assimilation : on refait avec les « nouvelles » technologies ce qu’on faisait déjà avant ou avec quelques fonctionnalités en plus. Le paradigme (Kuhn) ne change pas. Pourtant, le véritable apprentissage (au niveau sociétal aussi) se fait par accommodation … l’élément nouveau conduit à une révision de la structure, le changement de paradigme s’installe.

–       Les technologies nous condamnent à devenir intelligents, nous dit Michel Serres. Elles nous rendent plus libres, elles nous libèrent aussi de certaines contraintes d’espace et de temps. Les savoirs externalisés peuvent nous permettre de gravir les échelons de la taxonomie de Bloom passant ainsi de la mémorisation et de la compréhension (qui restent nécessaires) à la créativité, à l’esprit critique … Mais, en nous rendant libres, elles nous rendent aussi responsables.

–       L’innovation avance par petits pas subrepticement entre les élans des pionniers et les résistances des grognons. Entre « côté clair et côté obscur de la force », les positions intermédiaires et volontaristes (dynamiques aussi par rapport aux positions extrêmes statiques) doivent retenir notre attention. Une position pédagogique darwiniste (au sens large) ?

–       Entre savoirs révélés et connaissances construites, entre « l’enseigner » et « l’apprendre », ma posture se veut hybride. Non pas une position tiède entre le côté obscur et le côté clair, mais une tension maîtrisée, critique et constructive dans une perspective d’évolution toujours à inventer.

Dans ce premier billet, nous illustrons notre pensée épistémologique par une histoire relative à « comment le savoir vient aux Hommes ? » ou encore à « comment les Hommes ont-ils appris ? ». Comment aussi les instruments des technologies ont accompagné ce développement de l’écriture, à l’imprimerie en arrivant actuellement à l’ère numérique … Pour donner un avant-goût de cette liaison entre réflexion épistémologique et réflexion pédagogique, l’Histoire qui vient sera scandée d’éléments réflexifs basés sur le cycle de Kolb qui présente l’apprentissage expérientiel (Experiential Learning) qui alterne réflexion et action. Il est représenté schématiquement dans la figure ci-dessous.

Le texte ci-dessous est un extrait d’un document que j’avais rédigé il y a une quinzaine d’années dans le cadre du projet « Cosmos ». La version complète se trouve derrière ce lien.


Nous ne demandons pas en vue de quel usage les oiseaux chantent ; ils chantent par plaisir, car c’est pour chanter qu’ils ont été créés. De même nous ne devrions pas demander pourquoi l’esprit humain se fatigue à sonder les secrets des cieux (…). Si les phénomènes de la nature sont si variés et les trésors cachés dans les cieux si riches, c’est précisément pour que l’esprit humain ne manque jamais de nourriture. Johannes Kepler, Mysterium Cosmographicum

1. A la découverte des savoirs, à la recherche d’explications

L’histoire des savoirs remonte à fort longtemps : déjà, lors de la préhistoire, nos ancêtres chassaient les gazelles, les antilopes et les buffles dont les migrations suivaient le rythme des saisons. La cueillette des fruits se faisait à certains moments bien précis. Avec l’invention de l’agriculture, il a fallu faire attention à semer et à récolter à la bonne saison. Par ailleurs, les échanges commerciaux entre tribus nomades se faisaient aussi chaque année à une date fixée. On le voit, c’est donc bien la machinerie céleste qui ponctuait les différentes activités de l’homme. Savoir lire le calendrier des cieux constituait véritablement une question de vie ou de mort. Le vécu humain se modulait selon le rythme de la nature et des saisons : le temps et l’espace de l’homme étaient celui du cosmos, éternel, cyclique, sans « histoire », sans encore d’explications.

Très vite, dans le courant des deuxième et troisième millénaires avant Jésus-Christ, les savants de l’époque et les grands prêtres vont établir le rapport entre les révolutions stellaires, la position ou la hauteur du soleil dans le ciel et le cycle des saisons. Pour les besoins de la transmission de ces savoirs de plus en plus précis, pour la prévision de ces périodes fastes marquées par divers rites, il fallut les consigner et avec l’astronomie naissante se développèrent l’écriture et l’arithmétique. C’est ainsi que les mésopotamiens, aux environs de 3000 avant Jésus-Christ, utilisaient déjà un calendrier lunaire ; des tablettes nous sont parvenues sur lesquelles figure la liste des constellations, ces assemblages fictifs d’étoiles devant lesquels se déplacent les planètes, la lune, le soleil.

En terme de cycle de Kolb, on se trouve historiquement au stade de l’expérience vécue et quotidienne et de la consignation des observations. La transmission orale tout à la fois se fige et se communique avec l’invention de l’écriture.

Plus pragmatiques dans cette vision onirique du mouvement des étoiles, les penseurs grecs du premier millénaire avant Jésus-Christ voient le ciel comme une partie de la nature et s’attèlent à son observation scientifique minutieuse et rationnelle afin de comprendre le pourquoi de cet étrange ballet que dansent les étoiles. Il faut souligner que dans toute l’Antiquité païenne occidentale, seule la civilisation gréco-romaine a produit des penseurs qui surent dégager de leurs doctrines religieuses qui continuaient à déifier les planètes (Mars le dieu de la guerre, Mercure le messager des dieux …) une analyse purement rationnelle. Certes, ces thèmes furent abordés par les brillantes civilisations des anciens peuples d’Orient (Inde, Egypte, Chine, Mésopotamie), mais le système général d’élucidation du monde restait mythique ; il parlait plus au nom des dieux qu’au nom de la raison. Ce qui compte, et c’est la première fois que cela se produit dans l’histoire de l’humanité, c’est que des hommes tentent d’expliquer le monde - exactement ou faussement peu importe - sans recours au mythe, à la théologie et au surnaturel.

2. La naissance de la démarche scientifique, à la recherche des lois

Du 6ème siècle avant notre ère jusqu’au début du 16ème siècle de notre ère, il est difficile de distinguer ce qui est proprement philosophique et ce qui est véritablement scientifique. La perfection du cercle et la qualité du discours, la rhétorique, suffisaient bien souvent autant que l’observation à étayer ou à justifier un modèle scientifique. Même si la science des présocratiques est un mélange de théories sérieuses et de fantaisies parfois stupéfiantes, avec les philosophes appelés par Aristote, « physiciens » nous voyons déjà se manifester certains traits essentiels de la future pensée scientifique :

Citons par exemple :

  • débarrasser l’esprit de tout préjugé afin de se mettre en état d’accueillir les données d’expérience;
  • n’est vrai que ce que l’on démontre, constate ou prouve;
  • expliquer, c’est trouver une cause;
  • le hasard et le surnaturel ne sont pas des explications;
  • un phénomène naturel dérive toujours d’un autre phénomène naturel;
  • il existe un ordre  fondamental dans le « cosmos » régi par des lois;

Au début, la philosophie naît en se séparant de la religion ; les « physiciens » ont effectivement effectué un bout du chemin qui va du mythe à la science.

3. Des modèles explicatifs aux modèles prédictifs

C’est au 16ème siècle que la science naît en se séparant à la fois de la philosophie et de la religion. La cassure historique et décisive dans la philosophie occidentale se situera au moment où la science devient expérimentale et se détache, temporairement, de la philosophie puis, dans une large mesure s’y oppose. Cependant, en ces siècles d’obscurantisme triomphant, où les cieux étaient habités d’anges, de démons et où la main de Dieu faisait tourner les sphères de cristal de Ptolémée, il ne faisait pas bon d’émettre des idées à l’encontre des théories officiellement admises, même sous le couvert du progrès des sciences et des techniques. Dans son célèbre traité « De revolutionibus orbium coelestum libri » paru en 1543, Nicolas Copernic avait déjà proposé un système basé sur un double mouvement des planètes ; un mouvement de rotation sur elles-mêmes et un mouvement de rotation autour du soleil. Copernic place le soleil au centre de l’univers et dispose les planètes sur des orbites concentriques : les planètes intérieures comme Mercure et Vénus et des planètes extérieures comme Mars, Jupiter et Saturne. Malgré diverses améliorations qu’allait connaître ce modèle au cours des siècles, c’est bien cette image simplifiée du système solaire qui est encore en vigueur aujourd’hui. Modèle abstrait fruit de la pensée de l’homme, il brisait la limite des apparences : la terre allait perdre son caractère central, singulier, unique pour devenir un frêle esquif accroché à une banale étoile parmi les milliards d’astres qui scintillent dans le ciel. Le mérite considérable de Copernic est d’avoir su reconquérir l’indépendance d’esprit qui avait bel et bien disparu depuis l’Antiquité ; en ce sens il appartient pleinement à la Renaissance.

En terme de cycle de Kolb, l’observation devient réfléchie. Le sens est recherché au-delà des données récoltées par les premiers instruments scientifiques.  Les savoirs tacites sont articulés explicitement au travers de différents langages symboliques. Les modèles proposés sont encore localisés ou contextualisés. Aussi, des échanges et des confrontations sont rendus possibles en particulier par les débuts du livre.

Giordano Bruno, philosophe italien, présente dès  la fin du 16ème siècle ses thèses sur l’infinité de l’univers et la pluralité des mondes. Face à celles-ci le caractère central et unique de la terre est remis en question.  Jugé comme hérétique, il fut condamné par l’inquisition au bûcher et périt en 1600 à Rome. Ses idées pourtant portaient en germe celles reprises au 20ème siècle par la relativité générale d’un univers dont le centre est partout et la circonférence nulle part. En 1616, l’Eglise met à l’index les œuvres de Copernic. Un petit séminariste allemand allait arracher l’Europe du cloître de la pensée médiévale. Son nom, Johannes Kepler (1571-1630). Contemporain de Galilée, il allait faire progresser la notion d’hypothèse dans la démarche scientifique. En effet jusque-là prévalaient des modèles purement qualitatifs, empiriques et descriptifs. Kepler en se basant sur les mesures et en utilisant l’arsenal des outils mathématiques allait aboutir à un véritable modèle explicatif à la fois quantitatif et prédictif des mouvements célestes : ce sont les trois lois de Képler (les planètes ont une orbite elliptique ; leur vitesse sur cette orbite n’est pas constante ; le rapport entre la distance des planètes au soleil et la durée de leur révolution est constant).

4. Des théories fondamentales, à la recherche de notre origine

Le 17ème siècle, qui débute par la mort de G. Bruno, ne sera pas achevé que Isaac Newton (1642-1727) établira l’identité entre la cause (la force de pesanteur)  qui provoque la chute des corps, le mouvement parabolique d’une balle de tennis sur terre par exemple, et les forces d’attraction entre les masses qui retiennent les satellites naturels et artificiels sur leurs orbites.

La théorie de la gravitation universelle parue en 1687 dans « Philosophiae naturalis principia mathematica » sonnait le glas de la distinction entre ce monde terrestre et le reste de l’univers ; à la notion d’ordre divin va se substituer la notion de loi mathématique.

En terme de cycle de Kolb, on en arrive à un stade de conceptualisation abstraite. Les concepts sont articulés au sein de différentes théories qui vont permettre l’expérimentation et la récolte de données provoquées. Les théories sont généralisables et transposables dans différents contextes où elles sont mises à l’épreuve.

C’est le concept fondamental de force, en particulier de force d’attraction des masses qui, en expliquant l’origine de la loi Kepler, expliquera le mouvement d’une bille lancée ici sur terre, le mouvement de la lune, des satellites de Jupiter, des futurs satellites artificiels, la formation de galaxies … La chute des corps existe depuis le début des temps et les êtres humains ont toujours cru que la lune tournait autour de le terre. Newton fut tout simplement le premier à penser que ces deux phénomènes étaient dus à la même force, que l’on appelle, pour cette raison, gravitation « universelle ». La même loi de gravité s’applique partout, dans tout l’univers.

C’est bien plus tard, au 20ème siècle que le temps, jusqu’alors absolu, paramètre si ce n’est raison des changements ou des mouvements observés, va se muer en dimension à part entière. Notre compréhension de l’univers, bien au-delà des frontières du système solaire, s’est trouvée accrue par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein (1879-1955). Le Big-Bang d’il y a à peu près 14 milliards d’années a donné simultanément naissance à la matière, à l’espace et au temps devenus coordonnées indissociables. Un des postulats fondamentaux est la constance de la vitesse de la lumière qui marie l’espace et le temps (rappelons de manière simple qu’une vitesse est le quotient de l’espace par rapport au temps) dans ce qu’il est convenu d’appeler espace-temps. Avec la relativité générale, c’est aussi l’espace et la vision que nous avons de l’espace qui se trouveront profondément modifiés. Nous savons aussi que regarder loin dans l’espace c’est regarder tôt dans le temps. Une étoile proche de notre système solaire, Alpha du Centaure, se trouve à 4.3 années-lumière ; que signifie cette curieuse unité par laquelle les distances sont mesurées en année ? En regardant encore plus loin à l’aide des radio-télescopes géants peut-être un jour verrons-nous l’aveuglante lumière originelle de l’aube de l’univers.

En terme de cycle de Kolb, l’expérience passive devient expérimentation active permettant de tester les hypothèses déduites des modèles et théories. Les outils permettent aussi de simuler les prédictions des théories avant de les éprouver dans des dispositifs artificiels ou de les confronter à la pratique.

L’homme parviendra-t-il à déjouer les hallucinations des mirages cosmiques pour percer les mystères de l’origine de l’univers, de son origine ? Prisonnier d’abord, observateur ensuite, l’homme souscrira-t-il à la nouvelle alliance, celle qui loin de l’exclure du monde que la science décrit, réaffirme son appartenance responsable au « cosmos » ? Nous sommes, comme le dit Hubert Reeves dans son livre, « des poussières d’étoiles ».

Une petite vidéo pour terminer

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Dans le prochain billet, nous étudierons comment les considérations (historiques, épistémologiques, philosophiques) ici présentées nous conduisent à une « nouvelle » vision de l’apprentissage et aussi des éléments à la fois sources, facteurs et finalités d’apprentissage. Ce deuxième billet permettra de tisser des liens avec entre autres : les différents modèles (selon nous complémentaires) de l’apprentissage (du behaviorisme au constructivisme et au socio-constructivisme), les stades de développement piagétien (du stade pré-opératoire au stade de la pensée formelle) ou encore le modèle du Practical Wisdom d’Ikujiro Nonanka … Ces modèles (ainsi que celui de Kolb esquissé ici) nous parlent aussi des styles différents d’apprentissage de « enseignez-moi » au « laissez-moi faire » … Toute une (autre) histoire. Aussi, nous verrons comment ces modèles influencent notre vision des espaces-temps de l’apprendre et de l’enseigner. Finalement, dans un troisième billet de cette page, nous ferons quelques propositions, historiquement ancrées elles aussi, sur l’apprentissage et l’enseignement à l’ère numérique.

Un dernier mot : tout comme les orbites planétaires constituent un modèle cyclique, imperturbable … sans « histoire », il sera sans doute utile d’inscrire les cycles dont nous avons parlé (Kolb, Nonaka …) dans d’autres plus larges dans une perspective systémique et évolutionniste.

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