Je viens de créer sur ce Blog une nouvelle Page (dans le bandeau ci-dessus) pour tenter de comprendre les évolutions de « l’apprendre » et de « l’enseigner » à l’ère numérique. Au travers de la question (épistémologique, historique, philosophique) du « Comment le savoir arrive-t-il aux Hommes ? » et de celle du « Comment les technologies contribuent-elles à ce processus systémique ? », je proposerai 3 billets sur (1) la question des savoirs et des connaissances, sur (2) les invariants et les spécificités de « l’enseigner » et de « l’apprendre » à (3) l’ère numérique.
Les savoirs sont ainsi à la fois des éléments cachés à découvrir (Képler découvre les lois de … Kepler) et des constructions historiquement et socialement ancrées (Képler était aussi un homme de la Renaissance). Cette posture par rapport au savoir, bien souvent composite des extrêmes annoncés, détermine-elle une certaine façon de considérer l’enseignement, d’utiliser et de promouvoir ou non des méthodes dites actives (socio-constructiviste), d’intégrer les technologies comme un outil d’accès aux savoirs (les fameux MOOC, par exemple) ou un instrument polyfonctionnel d’appropriation des savoirs (les environnements personnels d’apprentissage, par exemple) ?
Quelque part, il y a quelques siècles, les savoirs ont remplacé les dieux de l’Olympe qui déterminaient les saisons, les actions humaines … et regardaient d’un mauvais œil les Prométhée de l’innovation. Nul besoin d’anges pour faire tourner les planètes ! Peut-on ainsi mieux comprendre les résistances de l’enseignement “traditionnel”, de la tradition orale où uniquement le prêtre, le clerc, le prof dûment institué … peut officier à la transmission “ex-cathedra” des savoirs “révélés” ? Les classes inversées nous conduisent un pas plus loin : dans la société de l’apprendre toute la vie durant, chacun-e devient un enseignant potentiel pour les autres.
Le savoir étant dès lors un outil de pouvoir agir, de pouvoir influencer … peut-on dès lors comprendre certaines résistances des citadelles du savoir et autres tours d’ivoire devant l’externalisation des savoirs (déjà commencée il y a longtemps par l’avènement du livre, un média somme toute subversif) et devant l’horizontalisation des formes de formation (l’enseignement mutuel, les communautés d’apprentissage et le compagnonnage ne sont pourtant pas une invention récente)
La science progresse par décontextualisation à la recherche d’invariants, de lois, de principes, de théories … Anecdotes et cas particuliers constituent un brouillard qui peut empêcher de distinguer la théorie sous-jacente. Celle-ci dégagée, il est tentant d’enseigner la théorie en la privant ainsi du contexte qui l’a fait naître. Jerome Bruner, dans sa psychologie culturelle, nous dit (je résume) qu’enseigner les sciences (disons au sens large) sans communiquer l’esprit qui anima les chercheurs ou le contexte qui fut le terreau de l’invention … est comme “un emplâtre sur une jambe de bois”.
Ce travail de décontextualisation peut être perturbé par le fait que le système observé résiste voire trompe l’observateur. Une prudence s’impose que ce soit à l’échelle quantique (le principe d’incertitude), à l’échelle cosmique (les mirages intergalactiques) ou encore les buzz, les fakes … par lesquels les vecteurs numériques tentent de nous tromper. Vivre ou survivre à l’ère numérique demande un esprit critique solidement construit.
Les médias ont cependant aussi un potentiel émancipateur. La bible imprimée des premiers temps de l’imprimerie devait “permettre à chacun” d’accéder directement aux saintes écritures sans passer par la lecture et l’interprétation d’un clerc dûment adoubé. Les livres sont brulés sur la place publique par les dictateurs de tout poil. Les réseaux sociaux participent dorénavant, et tout aussi bien, aux insurrections pour la démocratie et à la propagande démagogique. Peut-on ainsi comprendre que pas mal d’innovations technopédagogiques orientées pourtant vers la participation active, le développement de l’esprit critique et de la créativité … conduisent bien souvent à une certaine fossilisation des pratiques (le fameux TBI étant principalement utilisé comme tableau noir électrique) ?
Les chemins de l’innovation sont scandés d’oscillations successives amorcées par des élans portés par de nouveaux outils, de nouvelles technologies… habilement détournés par des pionniers (les réseaux dits “sociaux” sont transformés en Tweet Class à des fins éducatives). On en a connu de tels élans avec le cinéma, l’enseignement assisté par ordinateur, le multimédia, le web, le numérique, les MOOC … mais les forces de rappel (à l’ordre) des systèmes sont fortes. Peut-on comprendre ainsi pourquoi les soutiens à ces innovations sont le plus souvent concentrés sur l’infrastructure, le matériel, les ressources … sans que les éléments humains soient réellement concernés ?
Bonne lecture de cette page et merci déjà pour vos commentaires !
Blogging, tagging, liking, sharing on Facebook, tweeting – social networking is second nature for today’s students. Over the last 10 years the web has steadily evolved, as have its educational applications.
At the beginning of the “noughties” the University of Lyon 1 developed Spiral, today known as Spiral Connect. Around the same time the Université catholique de Louvain created Claroline, today globally distributed and supported by an international consortium comprised of several international partners.
Now obsolete, Spiral Connect and Claroline have decided to pool their efforts and expertise to create a new generation platform, making it possible to meet a variety of uses in a variety of contexts. Since 2008 many competing platforms have attempted their conversion to a 2.0 approach, but have often only succeeded in producing « 2.0 look-alike » solutions. On the strength of this experience, Claroline Connect is poised to bring more transversality (between the different roles, resources, tools) than platforms whose architecture has remained arborescent, linear and compartmentalised.
LMS are TMS!
According to Marcel Lebrun, a professor at the Université catholique de Louvain, the LMS (Learning Management Systems) are in fact TMS: Teaching Management Systems. It is the activity of the teacher that is valued to a far greater extent than the activity of the learner.
More versatility and flexibility, more user-friendliness, more intuitiveness, more stability, decompartmentalisation of courses and other activity areas, creation of fully-fledged training ecosystems composed of various resources, collaborative activities, involvement of students who themselves become the players and creators of resources alongside the teachers, connection with administrative applications of user organisations, deployment of a global network of interconnected platforms, the embracing of lifelong learning, etc. These are some of the objectives of this new platform.
From generic ideas to revamped features :
(1) Moving beyond (without ignoring) the concept of « course » towards « skills development. » Current platforms are mainly built around « courses » created by teachers and users. Without shelving them entirely, we propose the concept of activity areas that would be more versatile in the current environment. A problem-based approach, for example, bypasses several « courses » and targets the development of skills – a fertile contextualisation of a body of knowledge and resources. A portfolio is an activity area that is oriented and managed by the students as part of the validation of a curriculum. These capacities are steered and built via a programme approach – the interactive combination of several teachers.
(2) Using external resources to better focus on the learning tool. Current educational reforms are geared towards developing autonomous and even self-directed learning (learning to learn) among students. The PLE (Personal Learning Environments) are going from strength to strength in the age of Massive Open Online Courses or MOOC (such as Coursera or EdX). We have therefore focused on the reservoirs of resources available through the TDU (Thematic Digital Universities) – even MOOC and digital editions of textbooks. Areas of activities, fully-fledged aggregators of knowledge, could thus be created by the students themselves as part of a clearly defined educational project.
(3) Working as a network to give new meaning to classroom courses. Collective learning, collaborative learning or, better still, co-elaborative learning is where it’s at! Networks of learners (and we are all lifelong learners) are being created, which can mingle with networks of practitioners from the socio-professional world. « Traditional » universities are giving new meaning to classroom courses (the « campus ») in the form of broad collaborations either regionally or internationally. The « Claroline Connect » platform will thus communicate (or be communicable) with other platforms within the framework of the sharing and building of established knowledge and training tools.
(4) Managing the collectives, the communities, the groups… The collective again. Students, users, researchers are registered individually or cumulatively on « courses, » in programmes, in teams, in groups, or they can work in pairs or even solo on a specific project. All these links are clearly difficult to manage and monitor within the user’s desktop, so this need must be met through prioritizing by offering hoppers (filters) and allowing the desktop to reconfigure itself according to the most pressing choices: the work that I am sharing with a certain other student, the project I am working on with a certain team, my subscriptions to certain services or to the portal of the institution…
(5) Sharing teaching tools. To conclude this brief overview, a teacher or a trainer who has built an interesting scenario, a particular tool (think of a « peer review » between students)… can abstract this tool by making it available as a model, a « template » for other teachers and trainers. The sharing of best practice is fundamental to the professional development of teachers – something that the new platform will make it possible to objectify.
(6) Mobile phones. Mobile devices, smartphones and tablets are increasingly used by our students to view resources, stay connected with their « groups » and share information. They have become the effective tools of lifelong learning… Claroline Connect must adapt to make use of these different screen sizes.
Two important features distinguish Claroline Connect from other LMS :
(1) Simplicity, intuitiveness across the board. While our aim is to contribute to the professional development of teachers and to that of the education system on a broader scale, we feel it is important not to hinge the choice of platform on a long list of features or modules. All too often it is such purely IT-related considerations that drive the selection. A platform offering all possible modules, thus making it possible to perform complex tasks at a pedagogical level will often make it needlessly complicated to perform a simple task.
(2) Genericity and specificity. While wishing and encouraging the development and sharing of more specific modules requested by the member institutions or users, we feel it is important that the platform, through its core, allows the construction of shareable teaching tools from intelligent basic bricks, the tools of the platform.
La Section Belge de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire (AIPU) que je préside a lancé il y a quelque temps un nouveau type d’activité : le 10 > 20 > Trente ! En deux mots de quoi s’agit-il ?
A distance :
10 minutes de présentation d’un « cas pédagogique ».
En présentiel :
20 minutes de questions-réponses à propos du cas permettant aux participants d’obtenir des précisions et d’approfondir les aspects de celui-ci qui les intéressent.
30 minutes de débat à partir d’une ou deux question(s) vive(s) sous-jacente(s) au cas.
Un suivi :
Chaque soiré 10>20>TRENTE fera l’objet d’un « suivi » sous la forme d’une synthèse (orale ou écrite) effectuée par un professionnel de l’éducation.
Et voici la chaîne que j’ai construite pour cet événement avec tout d’abord le petit screencast de présentation des Classes inversées (PlayList 1/2) en ensuite le débat en présentiel qui suivit (PLayList 2/2 pendant environ 50 min) :
Au passage, cette intégration de Vidéos YouTube dans WordPress (c’est pas si facile) a été réalisée avec l’extension YouList
Lors d’un webinaire organisé pour les « Dix ans de T@d », j’ai abordé la question de la rencontre entre les xMOOC (des MOOC plutôt transmissif) et les cMOOC (d’approche résolument connectiviste) avec le concept de Classes inversées (Flipped Classrooms). J’avais décrit il y a quelque temps les aspects pédagogiques de cette nouvelle vague en introduisant certaines questions relatives à « mais que vont devenir les campus ? » sur un ton un tout petit peu provocant du style « De qui se mooc-t-on ? »
Dans ce billet, je souhaite avancer quelque peu dans cette réflexion dans le sens d’une hybridation (souhaitable selon moi) entre la présence (ce qui se fait ou devra se faire sur le Campus du XXIème siècle) et la distance (l’externalisation des savoirs, les compétences exercées dans les communautés d’apprentissage ou de pratiques en ligne).
Ma première réflexion sera de partir de l’hybridation, selon moi, le chemin de l’innovation. Cette dernière ne choisit pas généralement entre les polarisation exacerbées des « pour » et des « contre », entre le « côté obscur » et le « côté clair de la force ». Elle s’insinue dans les pratiques et les usages en les modifiant lentement … mon cynisme (oui, oui, parfois) par rapport à ces déclarations tonitruantes se transforme en pragmatisme dans l’action sous approche expérimentale … à la recherche de cohérences.
Allez on y va.
1. Les dispositifs hybrides, un chemin pour l’innovation
Le mot « dispositif » est fréquemment utilisé dans la littérature et ce dans différents domaines : appareillage sophistiqué, stratégie militaire, campagne de presse … Nous entendons par dispositif un ensemble cohérent constitué de ressources, de stratégies, de méthodes et d’acteurs interagissant dans un contexte donné pour atteindre un but. Le but du dispositif pédagogique est de faire apprendre quelque chose à quelqu’un ou mieux (peut-on faire apprendre ?) de permettre à « quelqu’un » d’apprendre « quelque chose » (Lebrun, 2005).
En ce qui concerne l’hybridation, nous la considérons comme un mélange fertile et en proportions variables de différentes modalités de formation, en présentiel et à distance (Charlier, Deschryver et Peraya, 2006) mais aussi entre des postures d’enseignement transmissif (l’enseignement au sens strict n’exige plus la présence physique en un temps et un lieu donnés, mais peut sortir de l’ex-cathedra pour atteindre l’étudiant où il se trouve) et des postures davantage liées à l’accompagnement de l’apprentissage.
Les dispositifs hybrides que nous considérons ici sont ainsi supportés par une plateforme technologique (un rassemblement d’outils) et leur caractère hybride provient d’une modification de leurs constituants (ressources, stratégies, méthodes, acteurs et finalités) par une recombinaison des temps et des lieux d’enseignement et d’apprentissage : il s’agit donc bien d’un continuum dont une dimension est liée au rapport présence-distance et une autre au rapport « enseigner »-« apprendre ». On trouvera une intéressante typologie des dispositifs hybrides dans l’article de Burton et al. (2011), un fruit de la recherche Hy-SUP à laquelle nous participons.
Burton, R., Borruat, S., Charlier, B., Coltice, N., Deschryver, N., Docq, F., Eneau, J., et al. (2011). Vers une typologie des dispositifs hybrides de formation en enseignement supérieur. Distances et Savoirs, 9(1), 69–96.
Charlier, B., Deschryver, N. et Peraya, D. (2006). Apprendre en présence et à distance. Une définition des dispositifs hybrides. Distances et Savoirs, 4(4), p. 469-496.
L’image ci-dessus présente une vue caricaturale (les pôles dont nous avons parlé) de « l’enseignement traditionnel ». Le « Cours » a lieu en temps et lieu fixés. L’apprentissage (vous connaissez, « on ne peut pas apprendre à la place de quelqu’un d’autre », « on n’apprend pas en ligne, on apprend en soi » …) se passe bien souvent dans la solitude …
Le tableau se complète … Les savoirs sont externalisés (ils l’étaient déjà avec le livre !), les documents, les médias, les MOOC le transmettent largement. Ils sont aussi et déjà accessibles dans ce que nous apprenons de manière informelle … en dehors de la classe. L’apprentissage, lui, est aussi social … on apprend toujours tout seul mais jamais sans les autres, selon l’aphorisme de Philippe Carré (l’Apprenance 2005). Vous l’avez compris, les classes inversées se nichent dans les images éclairées de la figure ci-dessus : Lectures at home and HomeWork in classes, disais-je.
2. Le chemin se poursuit dans le « virtuel » … Le flip s’étend dans le MOOC
Autour de cette conceptualisation des Classes inversées (encadrée en bleu sur la figure ci-dessus), nous avons indiqué des lignes d’évolution intégrative (le multimédia ne « remplace » pas le livre tout comme la tradition orale est bien toujours présente, le connectivisme n’élude pas la réalité du constructivisme …) à la fois technocentrée (en haut) et pédagogico-centrée (en bas). xMOOC et cMOOC nous arrivent en peu de temps en fait (depuis 2008) avec leurs potentiels (j’insiste sur ce mot) qu’il s’agira d’actualiser dans nos contextes, dans nos cadres de vie. En particulier, cette « mise à distance » des savoirs et des compétences à exercer et à développer nous revient, comme dans une sorte d’effet boomerang, pour nous interroger sur la présence. Très positivement et dans une perspective humaniste, nous devons nous interroger sur les valeurs ajoutées de ces avancées fantastiques promues par les technologies actuelles. Nous n’avons pas le cerveau vide, nous avons le cerveau libre … serons-nous assez intelligents pour profiter de ce potentiel (j’insiste à nouveau) émancipateur.
De manière plus schématique, voici comment je vois cette position des Classes inversées au sein des mouvances actuelles des MOOC … Une chance à saisir pour les Campus !
3. Plongée en abîme : la reconsidération de la présence … réorganise la distance !
Nous avons présenté une autre forme d’hybridation entre xMOOC et cMOOC (cette fois ci purement « à distance ») dans la formation eLearn2 que nous organisons actuellement.
Ce x-c-MOOC eLearn2, une hybridation entièrement à distance, est construit ainsi :
1) Une formule tutorée qui concerne une trentaine de participants (de l’UCL, une vingtaine d’enseignants et de Lyon, une dizaine). Ils viennent avec un projet de mise en ligne d’une formation et les instituts de pédagogie universitaire de ces institutions (IPM à Louvain et iCap à Lyon) les accompagneront pendant 25 semaines dans la construction de leur cours en ligne. Cette formation « formelle » en ligne donne droit à un certificat d’université (à Louvain) et un DU (à Lyon) de 10 crédits.
(2) Un xMOOC, constitué à l’heure actuelle d’environ 1200 participants (la Communauté eLearn2) qui suivent les mêmes modules de formation (des vidéos, des exercices, des tâches) que les premiers mais ici, c’est la communauté elle-même (un cMOOC donc) qui s’auto-organise pour l’accompagnement … Il est super intéressant de voir cette communauté poser des questions, se répondre, proposer des activités, tenir leurs Blogs … Des participants lancent des visioconférences en ligne, organisent des recherches … La formation continue de demain …
Originalité : c’est deux formations emboitées (le coeur des 30 participants tutorés et la communauté eLearn2) se déroulent sur la toute nouvelle plateforme (Claroline Connect) que nous avons développée en concertation avec Lyon .. une plateforme de nouvelle génération qui permet de soutenir la communauté et de faire interagir les participants. Cette plateforme qui a été présentée il y a deux semaines (lors de notre conférence des utilisateurs de Claroline à Oujda, Maroc) est à la fois le support technique et l’objet de la première semaine de formation : découvrir la plateforme mais aussi faire remonter les bugs découverts vers les développeurs …. Une plateforme proche des utilisateurs qui travaillent avec nous à la parachever : une forme de codesign … En quelques semaines, par cette interaction entre les utilisateurs et les développeurs, un travail de plusieurs mois a été effectué !
(3) Plus loin encore, nous avons créé « autour » de la plateforme Claroline Connect un réseau Google+ de personnes curieuses, intéressées … Un lien entre la plate-forme ancrée institutionnellement (Claroline Connect) et le réseau mondial (Google+)
Nous pensons que notre initiative qui allie la formation accompagnée et la formation ouverte préfigure peut-être l’enseignement de demain suite à l’externalisation de la transmission des connaissances prônée par les xMOOC. Une formation « locale » et hybride (les 30 participants accompagnés) plongée dans une communauté connectée via une plateforme, le tout plongé dans le réseau mondial … Nous avons représenté cette structure dans le dessin ci-dessous.
Merci pour vos commentaires, vos avis … et si cela vous plait bien, partagez !
Je reprends, dans ce court mais illustré billet, quelques modélisations génériques que j’avais réalisées à l’occasion de conférences données ici et là … Je ne sais si, en ces années (2011 et 2012), j’utilisais déjà les termes de PLE (Personal learning Environment) ou EAP (Environnement d’Apprentissage Personnel) ?
Une modélisation basée sur un cycle comme le cycle de l’eau …
Nos productions envoyées sur la toile constituent une sorte d’évaporation qui va être concentrée dans les nuages et redistribuée ensuite … Vous complèterez à loisir cette image. Cette modélisation un peu fantaisiste est apparue dans une conférence donnée pour la FFFOD (9èmes rencontres) à Orléans en Novembre 2011.
Une autre modélisation encore plus générique mais construite sur la base de mon modèle pragmatique d’apprentissage IMAIP (Informations, Motivations, Activités, Interactions, Productions) parfois écrit comme : I’aM An Innovative Professor :=). Sérieusement, l’idée de base est que l’on construit son EAP comme un outil pour apprendre … d’où un modèle d’apprentissage.
On remarquera aussi que j’ai associé les 5 pôles du modèle avec certaines compétences à développer ou nécessaires pour construire un EAP (Compétences LLL : LifeLong Learning)
Cette modélisation a été utilisée dans une Conférence donnée lors de TICE Alpes 2012 (Grenoble, 28 et 29 Juin 2012) : Temps de la technologie, temps de la pédagogie
A quelques jours du lancement du MOOC eLearn2 (ce sera le 28 octobre 2013), nous souhaiterions vous en dire un peu plus sur notre prochaine aventure : entre bibliothèque de ressources, agora d’échanges et de convivialité, atelier de construction d’une plateforme nouvelle génération … il nous fallait vous donner notre « vision ».
Un bout d’histoire
La formation à laquelle vous allez participer (et je pèse mes mots, vous verrez) est née il y a une dizaine d’années à l’IPM (Institut de Pédagogie universitaire et des Multimédias) de l’UCL (Université catholique de Louvain). Cette formation était consacrée au thème à la mode à l’époque : l’eLearning, apprendre et enseigner en ligne. A son début, il s’agissait d’une formation en présence (en lieu et temps) qui reposait sur deux parties : eLearning comme apprenant (vivre une formation en ligne avant de penser « à mettre son cours en ligne ») et eLearning comme enseignant (construire un dispositif de formation orienté vers l’apprentissage des étudiants). Il y a environ 3 ans, nous avons commencé (à Louvain-la-Neuve et à Lyon) à réfléchir et à construire une formation entièrement à distance ce qui a demandé, vous le savez bien, un profond remaniement des ressources, des séquences, des rôles des acteurs, des tâches à effectuer, des processus de validation …
Cela a donné la formule eLearn2 (se former en ligne pour former en ligne) tutorée que nous organisons depuis deux ans révolus(et que nous continuons à organiser). Une formule intéressante basée sur les projets de chacun(e) que nous accompagnons tout au long des modules de le formation. Institutionnellement, c’est une formule « lourde » correspondant à 10 ECTS soit environ 240 h de travail de l’apprenant soit environ 7 heures de travail par semaine (oui, seulement une heure par jour mais quand même). Des demandes récurrentes nous arrivaient sollicitant une participation comme élève libre, apprenant butineur … Ce qui était contraire à notre volonté d’arriver en terme de la formation avec un projet de formation déjà bien ficelé sur la base d’un projet individuel.
Et nous voici en 2013, tout le monde en parle, nous avons voulu aussi faire partie du mouvement … un MOOC ! Oui, mais encore ? (pour ceux qui savent pas encore un Massive Open Online Course)
Notre espace de formation ouvert, en ligne et … massif profitera des deux grandes orientations majeures en matière de MOOC … hybridation quand tu nous tiens ! Un mélange de xMOOC (transmettre et recevoir des savoirs, proposer des exercices, accomplir certaines tâches) et de cMOOC (partager les connaissances de chacun et chacune, les confronter à celles des autres, créer de nouvelles connaissances, les renvoyer à la Communauté …) : un xcMOOC en quelque sorte. C’est une combinaison qui nous semble a priori intéressante vu nos styles d’approche d’apprentissage différents en fonction des contextes. Nous sommes tous et toutes un peu entre le « dites-moi » et le « laissez-moi faire », non ?
A. Des modules d’apprentissage assez classiques mais des valeurs sûres :
1. Enseigner et apprendre en ligne,
2. Valeurs ajoutées de l’eLearning,
3. Outils de l’eLearning,
4. Objectifs d’apprentissage,
5. Méthodes et activités,
6. Evaluation certificative et formative,
7. Interactions et tutorat,
8. Enjeux juridiques,
9. Scénariser son cours et l’évaluer
Ces modules comporteront ressources, exercices, des tâches à réaliser … un xMOOC en quelque sorte (oui comme edX, Coursera …). C’est notre façon de mettre à la disposition du plus grand nombre nos ressources. Mais, contrairement à la formule eLearn2 classique, il n’y aura pas de tutorat, d’accompagnement spécifique par les responsables et accompagnateurs de la formation.
B. Une communauté :
C’est en effet la communauté des participants au MOOC (et nous en serons) qui assurera la vie de cette dernière, qui assurera l’accompagnement, la mutualisation des pratiques, le lancement et la relance des débats … Une communauté d’apprentissage se muant en communauté de pratiques, voilà le défi. Comme nous le disions, certains viendront pour voir ou pour observer, d’autres partageront leurs pratiques, certains seront les animateurs, d’autres seront des férus technopédagogues ou encore viendront étancher leur soif de connaissances … Voici notre façon de voir la partie cMOOC.
Et quels rôles pour chacun(e) ?
De manière plus précise encore, les participants recevront, s’ils ont accompli les parcours et modules proposés, leur badge de « Participant au MOOC eLearn2″. Ceux qui se proposeront comme animateurs ou seront appelés à animer notre xcMOOC devront se constituer un portfolio (un dossier, un blog, un document avec les liens … à vos imaginations) contenant les preuves de leurs activités. Ce sera « evidence-based » ! Les animateurs pourront alors postuler pour le badge de « Animateur du MOOC eLearn2″ qui leur sera décerné par une validation conjointe des responsables et de leurs pairs. Et finalement, certains souhaiteront effectuer une petite recherche autour des pratiques, des besoins, des difficultés des uns et des autres dans la communauté. Une synthèse de leur recherche publiée dans la communauté et sur la Toile pourra leur donner accès au badge « Chercheur en MOOC : eLearn2″ …
Et la plateforme ?
Notre MOOC sera aussi construit sur une toute nouvelle plateforme Claroline Connect. On va se la jouer francophone … et avec ouverture. A l’heure du lancement de cette activité, elle aura été présentée pour la toute première fois à la Conférence Annuelle des Utilisateurs de Claroline. Dans l’esprit qui animera notre communauté, la plateforme sera à la fois le support de cette formation et un objet de réflexion pour les participants. C’est à une importante activité de Co-design que nous vous convions. La plateforme disposera certes des fonctions de base mais vous savez que nous voulons aller beaucoup plus loin … et c’est avec les utilisateurs que nous avons choisi d’y aller. Ces derniers disposeront d’un outil en ligne directe avec les concepteurs et développeurs de Claroline Connect.
Bref tout un programme, une occasion de tisser des liens, de glaner des connaissances, de partager ses pratiques, de participer à la construction d’un outil pour demain … Bienvenue sur le MOOC eLearn2, un MOOC pour construire des dispositifs de formation en ligne … et pas seulement des MOOC.
Me préparant à écrire ce billet, j’étais il y a quelques semaines, voire quelques jours à peine, en train de consolider ma documentation sur cette résurgence du dernier avatar numérique des technologies éducatives : les MOOC. Et voilà, un article très récent (2013) de Thierry Karsenti « MOOC : révolution ou simple effet de mode » fait de manière très documentée le tour de la question. Mais, en fait, m’est-il encore besoin de rappeler ce que sont ces Massive Open Online Courses ? Vous avez suivi des cours en amphi ? Vous avez réalisé des exercices en salle de TP ? Vous avez échangé sur une thématique lors d’un séminaire ? Et bien voilà, ce cœur de métier des universités et hautes écoles est là numérisé sur la toile, accessible, gratuit, ouvert à des milliers d’étudiants de part le monde.
Accessible en ligne via Internet (oui, évidemment il faut être connecté),
gratuit, on ne paie pas pour y entrer mais la certification c’est ou ce sera une autre chose,
ouvert, chacun peut s’y inscrire et il n’y a pas de prérequis enfin on dit ça.
Avant de commencer notre analyse, il est bon de comprendre qu’il y a MOOC et MOOC. L’enseignement au sens large a toujours été ballotté entre des tendances relativement caricaturales que je qualifierais de « transmissive » (transmettre le savoir déjà là) et d’autres un peu « idéalistes » davantage orientées vers la construction par l’apprenant lui-même de ses connaissances et compétences (ce qui est malgré tout une évidence, on ne peut apprendre à la place de quelqu’un d’autre). On passe ainsi dans un éternel balancement du « Sage on the stage » au « Guide on the side« . Pour ma part, j’y ai toujours vu une belle complémentarité, une position difficile à tenir somme toute, chacun demandant à l’expert de trancher, de se prononcer sur une position ou sur l’autre. Entre le « dites-moi » et le « laissez-moi faire », on y trouve aussi des composantes de styles d’apprentissage fortement variées chez les humains en fonction des personnalités et des contextes. Les MOOC n’échappent pas à cette catégorisation rudimentaire. Ils sont nés dans le courant connectiviste de G. Siemens privilégiant le caractère socialement et contextuellement construit des savoirs (le premier « cours » qualifié de MOOC fut celui de G. Siemens et S. Downes sur le … connectivisme). En conséquence, au début, ils s’inscrivent dans le courant davantage constructiviste et socio-constructiviste de l’apprentissage et prônent l’édification d’une intelligence collective (une forme de compagnonnage, une communauté d’apprentissage et de pratiques) soutenue à large échelle par le numérique. Mais, l’appellation « MOOC » a été reprise (usurpée, oserions-nous dire) plus tard par des systèmes fortement automatisés dans un courant davantage transmissif voire behavioriste (des cours filmés, des exercices en ligne … comme le plus souvent sur edX et Coursera). Les premiers, connectivistes sont appelés cMOOC, les seconds plutôt transmissifs, xMOOC. Cela me rappelle une belle phrase de Philippe Carré : on apprend toujours tout seul mais jamais sans les autres !
Comme pour l’enseignement ou la formation en général, nous pensons au nécessaire avénement d’une hybridation féconde de ces extrêmes. Si chacun(e) de nous va devoir « apprendre toute la vie durant », il sera nécessaire que nous (les mêmes) enseignions toute la vie durant. L’enseignement n’est plus seulement une « affaire de profs », il nous concerne chacun et chacune. Et c’est là, que peuvent revenir en force des méthodes comme l’apprentissage par problèmes, l’apprentissage par projet, l’apprentissage par investigation (d’où l’appellation iMOOC de J-M Gilliot) ou encore par tâches (les tMOOC de Lane) … et aussi des espaces d’apprentissage (des « classes » virtuelles ou réelles) ancrés dans les contextes, les communautés, les régions (comme les LearningLabs et les ateliers de co-design …).
Comme à chaque apparition d’une nouvelle technologie, le mirage technologique opère. Qu’il s’agisse d’outils (je pense au TBI, le tableau blanc interactif ou encore aux tablettes) ou de ressources ( les eBooks ou les podcasts, ces véhicules de contenus), le charme agit, les enseignants (certains du moins) sont hypnotisés, les dirigeants sont séduits par cette « potion magique » qui tout à la fois agira sur et pour un enseignement du 21ème siècle qui se cherche et qui donnera un lustre renouvelé aux citadelles du savoir confrontées à une intelligence collective qui trouve de plus en plus sa place dans la formation continuée et l’apprentissage toute la vie durant. Le rapport entre technologies et pédagogies est systémique et multivariable. En réfléchissant linéairement (par des mécanismes simples de cause à effet) et sur une variable à la fois (l’équipement des classes, la numérisation des ressources …) , on perturbe le système, il devient chaotique avec des conséquences inattendues dans d’autres champs (sociaux, économiques, culturels …). Et ce, on le voudrait bien à court terme … à l’intérieur de la durée d’un mandat ! Ce sont pourtant des plans stratégiques et globaux sur au moins une génération (la scolarité obligatoire et l’enseignement supérieur) qu’il faudrait mettre en place … primaire, secondaire, supérieur … toute la vie durant.
Pourtant, on sait depuis bien longtemps que les ressources disponibles (le livre existe depuis bien longtemps, est-ce que les enseignants utilisent ou ont utilisé vraiment les textbooks ?) ne suffisent pas pour apprendre, que les outils sont ambivalents et que leurs apports, leurs impacts et leurs valeurs ajoutées dépendent largement des usages qui en sont faits. Comme à chaque « nouvelle » technologie, les commentaires s’opposent entre « le côté clair et le côté obscur de la force ».
S’agit-il de savoirs en boîte (du fastlearning) promus par les SuperCampus d’une éducation devenue mondiale et dont les MOOC seraient les vitrines ?
Ou d’un soubresaut médiatisé d’un enseignement ex-cathedra hérité d’une époque où la lecture (lecture) était la seule voie de la transmission ?
Ou encore de la préparation en douce d’un guet-apens économique qui surviendra lorsque les modèles financiers seront révélés aux naïfs séduits par la gratuité toute temporaire de ces opérations pseudo-philanthropiques ?
Ou alors, plus positivement, dans la lignée de l’intelligence collective, des communautés d’apprentissage et de pratiques, s’agirait-il d’une occasion historique de construire ensemble un nouvel humanisme numérique dont les apprenants (nous tous) seraient les apprentis ? Une occasion de restaurer l’humain, ses contextes et ses cultures, au sein des savoirs normalisés de la Science universelle (on n’est pas loin de l’opposition stérile entre savoirs et compétences) ?
Serions-nous des binaires séduits par le confort des propos extrêmes et réticents à vivre dans l’incertitude ? Perdons-nous si facilement la mémoire de la stérilité de ces polarisations caricaturales ? Déjà Socrate, à propos de l’écriture, une fabuleuse invention de Thot, le dieu des technologues, se montrait méfiant en évoquant le pharmakon : ces technologies sont tout à la fois un poison et un remède. Plus récemment, Michel Serres, parlant de l’externalisation de notre mémoire sur les artefacts mobiles, disait : « On n’a pas le cerveau vide, on a le cerveau libre ! ». Par contre, Bernard Stiegler nous dit que ce ne sont pas les technologies qui sont toxiques mais notre incapacité à les socialiser correctement. C’est à imaginer des tierces places que nous devons travailler. Au-delà de l’ambivalence de l’outil, les technologies sont et resteront des potentiels qu’il revient aux humains d’activer et de socialiser.
Les MOOC, tout en étant un potentiel formidable pour l’apprentissage, ne peuvent en garantir la qualité, la profondeur, le transfert.Richard E. Clark, en 1983, disait déjà à propos des médias : Pas plus que le camion qui amène les victuailles au Supermarché ne peut per se améliorer la santé d’une population … les médias ne peuvent de facto apporter des valeurs ajoutées à l’apprentissage. La relation entre enseigner et apprendre est systémique, non linéaire. C’est par le dispositif construit « autour des ressources », un dispositif constitué d’outils certes mais aussi d’activités signifiantes et d’interactivités édificatrices, c’est par la formation des étudiants et des enseignants tous apprenants, qu’apparaîtront les valeurs ajoutées attendues des technologies. Quelle vision à long terme et quelle place explicite pour le numérique dans la formation des étudiants et des enseignants ? C’est à ne pas considérer beaucoup ces facteurs humains que de nombreuses initiatives d’équipement des écoles ou de leur mise en réseau ont lamentablement échoué en grande partie conduisant davantage à une fossilisation des pratiques (on refait avec les technologies nouvelles ce qu’on faisait antérieurement en dérapant dans le virage pédagogique) qu’à une réelle modernisation des pratiques pédagogiques.
Même si ces outils et ressources constituent un potentiel formidable et une condition nécessaire à l’apprentissage, ils sont donc loin d’être suffisants. Et même si :
les formes traditionnelles, même enrubannées de leurs atours technologiques, que nous avons évoquées plus haut (cours, exercices, séminaires) demeurent les formes d’enseignement les plus répandues (il suffit, au-delà des discours, de le demander aux étudiant(e)s : les plateformes LMS actuelles servent surtout de dépôts de documents)
ces méthodes-là peuvent être largement assumées voire automatisées par les technologies (un podcast du cours, un questionnaire en ligne, un forum de discussion) mettant ainsi en péril le « cœur de métier » actuel de l’enseignement (que va-t-on faire des campus ?),
il serait regrettable voire coupable de s’en maintenir à cette situation de statu quo voire d’un entérinement collectif de cette fossilisation des pratiques pédagogiques.
Il y a longtemps déjà (pour les plus anciens, c’était l’époque d’un autre mirage technologique, l’EAO, l’enseignement Assisté par Ordinateur) des enseignants me demandaient fréquemment : Est-ce que vous pensez qu’un jour l’ordinateur va remplacer l’enseignant ? Et je leur répondais invariablement : il y a de grandes chances que oui, si vous me posez une question pareille ! Les technologies nous libèrent (de notre devoir de transmission) mais nous condamnent à devenir intelligents, à retrouver un rôle d’accompagnateur d’apprentissage, à redonner du sens aux espaces, à retrouver et à mettre en place des activités et interactivités fécondes pour l’apprentissage dans ces campus désormais en menace d’extinction … et c’est là encore une question de formation des enseignants.
Agir autrement (c’est-à-dire miser gros ou uniquement sur ces résurgences de l’enseignement traditionnel que sont les xMOOC) serait faire fi des attentes du monde socio-professionnel pour le développement des compétences transversales appelées aussi compétences LLL (LifeLong Learning), des usages même embryonnaires des fameux natifs numériques, et aussi de ne pas profiter maximalement du potentiel (j’insiste sur ce mot) offert par les ressources externalisées et indépendantes du temps et de l’espace … Enseigner c’est mettre en place des conditions dans lesquelles l’étudiant(e) pourra apprendre et cette constatation nous conduit à la nécessité d’organiser autour des médias et des outils dont nous avons parlé des espaces, des classes, des dispositifs pédagogiques (en présence, à distance, hybride) à hautes valeurs ajoutées pour l’apprentissage. Comme je le dis souvent : J’enseigne moins, ils apprennent mieux ! Et c’est là que se niche l’avenir des campus.
A cet égard, les classes inversées (Flipped Classrooms) sont intéressantes dans la combinaison qu’elles proposent entre présence et distance et entre les orientations centrées sur l’enseignement et ses ressources et celles centrées sur l’apprentissage et son ancrage dans les contextes. Pour moi, elles sont complémentaires aux approches « à la xMOOC ». Les technologies nous libèrent des contraintes de l’espace et du temps (tel cours dans tel amphi à telle heure) mais, faute d’une approche intelligente, positive et humaniste, elles risquent aussi de les vider. On le sait depuis longtemps aussi : les plans d’équipements des écoles, de numérisation des ressources, d’automatisation de l’apprentissage … n’ont pas apporté les fruits espérés (en termes d’apprentissage, d’éducation, de culture …). Les recherches sur le NSD (No Significant Difference) montrent bien la vanité du propos … Chaque fois, c’est le facteur humain qui a été négligé et pas seulement la formation technique des étudiants et des enseignants : le numérique, l’apprentissage à l’ère numérique, ce n’est pas qu’une affaire d’outils et de ressources, même pas seulement une affaire de méthodes et d’usages, c’est surtout une affaire de mentalité, d’état d’esprit et de culture. Il est vrai que les outils pourront porter les ressources, qu’ils pourront supporter sans nul doute les méthodes adéquates actives et interactives … mais une large part d’humanité restera insoluble dans le numérique. Enfin, je l’espère, et vous ?
Finalement les méthodes élaborées autour des ressources (dont les MOOC) seront construites selon le principe de cohérence : une cohérence (inspirée du Constructive Alignment de J. Biggs) entre les objectifs (une même ressource peut servir à plusieurs objectifs, à développer diverses compétences, nous en parlons ci-dessous), les méthodes (de la lecture à l’apprentissage collaboratif en y adjoignant un soupçon de variété et de scénarisation d’activités) et l’évaluation (souvent l’exploitation de savoirs décontextualisés dans des contextes particuliers). C’est encore ici aussi que la formation des enseignants doit jouer et pas seulement dans la scénarisation de « leur cours » mais dans une approche programme (tout aussi cohérente) à construire : les xMOOC morcelés en sont encore loin … edX s’y intéresse !
Des compétences … un lien entre savoirs et savoirs faire et ancrage socio-professionnel
« Compétences », voici bien un mot, un concept largement et banalement utilisé dans les contextes éducatifs et socio-professionnels. Les savoirs sont externalisés, les savoir-faire se transforment en procédures automatisées … ouf, il reste aux humains les compétences : quels savoir-faire mettre en route avec quels savoirs dans tel ou tel contexte ? Savoir où et quand davantage que savoirs et savoir-faire ? Exercer des compétences, c’est sortir de l’amphi là où les savoirs sont distribués, c’est sortir du terrain d’entrainement (salle d’exercices ou de TP), c’est s’évader du MOOC pour revenir sur Terre … c’est surtout retourner dans les contextes d’émergence et d’exploitation des savoirs.
Il y a des siècles les savoirs (ceux construits par l’humanité) ont quelque part remplacé les dieux. Nul besoin d’anges pour faire tourner les planètes. Les lois de la gravitation universelle ont remplacé les contes mythologiques. Cependant, ces savoirs sublimés, riches de modèles, de principes, d’invariants …, ne prennent du sens, ne retrouvent leur vertu émancipatrice que replongés dans les contextes humains. Dans cet esprit, le travail du chercheur (qui décontextualise) et celui de l’enseignant (qui recontextualise) sont quelque part antagonistes. Pas simple d’être enseignant-chercheur à l’ère du numérique.
Il faut fréquenter les bibliothèques, certes ; il convient, assurément, de se faire savant. Étudiez, travaillez, il en restera toujours quelque chose. Et après ? Pour qu’il existe un après, je veux dire quelque avenir qui dépasse la copie, sortez de la bibliothèque pour courir au grand air ; si vous demeurez dedans, vous n’écrirez jamais que des livres faits de livres. Ce savoir, excellent, concourt à l’instruction, mais celle-ci a pour but autre chose qu’elle-même. Dehors, vous courrez une autre chance (Michel Serres, Bibliothèque de l’Ecole Centrale de Lyon).
Les MOOC peuvent apporter la contextualisation (les situations-problèmes, les cas à étudier, une interview d’un acteur du terrain …), ils peuvent apporter la décontextualisation (la théorie, la modélisation, les savoirs et avis des experts …) … ils pourront, en guise de recontextualisation, montrer, démontrer, simuler les contextes d’application … l’action de l’homme sur le contexte ne pourra cependant rester virtuel. Cette réflexion nous ramène au Cycle de Kolb qui distingue bien ces phases d’internalisation (observation, conceptualisation abstraite) et d’externalisation (l’expérience et l’expérimentation active).
Mais que sont ces compétences ? L’approche cognitive (basée sur l’appropriation des savoirs et savoir-faire, qui ne connaît pas la taxonomie de Bloom ?) y est complétée par des éléments qui touchent davantage aux comportements, aux attitudes, à la manière d’anticiper, de se mettre en projet : les savoir-être et savoir-devenir. Ces « compétences » qui sortent bien souvent du giron des disciplines purement académiques, qui sont également censées se développer toute la vie durant, qui font rarement l’objet d’un apprentissage formel … en prennent un statut de transversalité : compétences transversales, fuzzy competences ou encore compétences LLL (LifeLong Learning). L’Europe les définit dans son cadre de référence qui date déjà de 2006. Elles sont reliées à l’esprit critique, la créativité, l’initiative, la résolution de problèmes, le travail en équipe, la gestion de projets, l’évaluation des risques, la prise de décision … Mais où et quand formons-nous les apprenants à ces compétences ? Comment validons-nous les étapes de leur développement et allons-nous octroyer les certificats devenus badges ? L’approche du Learning by doing suffit-elle ou alors ces compétences doivent-elles faire l’objet en amont d’un apprentissage à part entière et en aval d’une opération d’appropriation et de réflexivité, d’un retour vers l’humain et ses environnements ? Les connaissances devenues numériques sont à compléter par un humanisme numérique toujours à construire.
A cet égard, il est intéressant de retourner plusieurs siècles en arrière à l’époque de l’invention du livre (une fabuleuse invention qui allait permettre déjà la diffusion des connaissances). L’approche « catholique » prônait l’importance d’avoir un clerc, un prêtre, un professeur qui fasse la lecture et délivre les « saints savoirs » et leur interprétation du haut de la chaire « ex-cathedra ». Luther montre le livre comme un moyen d’accès direct à cette connaissance par tout un chacun. A l’heure actuelle, les anglo-saxons (pour aller vite) prônent une éducation moins inféodée aux Textbooks ou aux Massive Open Online Courses (tous deux considérés comme des ressources parmi d’autres) pour l’ouvrir à des temps et des espaces davantage consacrés aux activités et aux interactivités : les anglicismes Problems Based Learning, Flipped Classrooms, Peer Review voir Connectivist MOOC … nous viennent de ces horizons. Sommes-nous prêts à refonder l’école alors qu’elle n’a pas encore été « réformée » ? Entre modes transmissifs et socio-constructivistes, avons-nous compris que c’est à une révolution ouverte, complète, profonde, inscrite dans la durée (de l’école fondamentale au supérieur en continuant vers l’apprentissage toute la vie durant) que ces livres devenus MOOC nous convient ?
Des plateformes … inscrites localement, connectées globalement
Entre savoirs largement distribués (les ressources proposées par les MOOC en sont une émanation) et apprentissage irrévocablement personnel (Les PLE Personal Learning Environments construits par chacun avec les outils disponibles sur Internet, un clin d’œil aux collègues d’ITyPA, Internet Tout y est Pour Apprendre), entre l’approche globalisante et planétaire du nuage (le Cloud) des savoirs et la nécessité de l’inscription personnelle, locale ou régionale, une tierce place est à re-construire et c’est là que se niche l’avenir du Campus. Aussi dans la validation des acquis, dans l’évaluation là où les savoirs et savoir-faire appris repartent à la rencontre des contextes au travers des tâches accomplies, des productions élaborées, des preuves evidence-based rassemblées dans les portfolios.
Les MOOC constituent un réel Big Bang dans l’univers éducatif. Vont-ils donner naissance à une Terre hospitalière plus pédagogique ? Dans le désordre que, à la fois, les xMOOC normatifs (lois, théories, principes, invariants, modèles, tradition) et les cMOOC (pluralité, contextes, sens, innovation) peuvent entraîner, des espaces-temps locaux, des structures d’ordre et de proximité, des lieux tout à la fois d’appropriation personnelle et de contextualisation communautaire vont ou devront apparaître : « l’école » deviendrait ainsi une structure dissipative (Prigogine), de réduction d’entropie, de création de sens et de savoirs partagés dans différents contextes.
Des plateformes véritablement LMS (Learning Management System) bien au-delà des actuelles (en fait, des TMS, Teaching Management System)sont amenées à jouer ce rôle fédérateur communautaire (individus, écoles, régions) entre d’une part les PLE individuels et classes locales et d’autre part les ressources largement distribuées.
Bref, apporter une valeur ajoutée pour l’apprentissage dans des SPOC (Small Private Online Courses) construits sur des MOOC ? A voir !
Ces plateformes ne peuvent donc pas seulement rester des supports matériels de MOOC, des véhicules de transport de savoirs stabilisés, invariants, généraux. Il est à la fois amusant et consternant de constater que des « plateformes à MOOC » actuelles proposent des outils qui existaient il y a presque 10 ans dans les plateformes devenues classiques aujourd’hui (Moodle, Claroline, Spiral, Dokeos …) : des ressources, des exercices, des dépôts de travaux, un forum de-ci de-là …
entre d’une part appropriation personnelle et collective et d’autre part transmission de savoirs « stabilisés » ,
entre espaces d’activités et « cours » automatisés,
entre apprentissages informels et formels, entre ancrage dans la cité, dans la région et ouverture sur le monde,
entre le monde de la formation initiale et celui de la formation continue toute la vie durant,
entre projet de formation à « l’école » et innovation sociale ou projets d’entreprise,
entre la nécessité de l’inscription administrative et citoyenneté mondiale …
entre think global et act local …
En conclusion, quelques citations qui m’ont largement inspiré dans ce débat. Elles illustrent selon moi des propos parmi lesquels une « tierce vérité » reste à construire :
Je répète. Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la Toile, disponible, objectivé. Le transmettre à tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre ? Voilà, c’est fait. D’une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis. (Michel Serres, 2011. Le Monde. Eduquer au XXIe siècle)
L’un des plus nobles devoirs d’une université est l’avancement de la connaissance et sa diffusion, non seulement à ceux qui peuvent suivre les enseignements, mais bien largement au-delà. (Daniel Gilman, 1878. Johns Hopkins University)
Les nouvelles technologies nous ont condamné à devenir intelligents. Comme nous avons le savoir devant nous, comme nous avons l’imagination devant nous, nous sommes condamnés à devenir inventifs, à devenir intelligents … Nous sommes à distance du savoir, à distance de l’imagination, à distance de la cognition en général et il nous reste exactement que l’inventivité. C’est à la fois une nouvelle catastrophique pour les grognons, mais c’est une nouvelle enthousiasmante pour les nouvelles générations. (Michel Serres, 2007. INRIA. Les nouvelles technologies : révolution culturelle et cognitive)
Ce n’est pas la technique qui est toxique en soi, c’est notre incapacité à la socialiser correctement. (Bernard Stiegler, 2012. Philosophie Magazine)
Le temps de l’été, c’est aussi le temps de la mise en ordre des dossiers, la redécouverte d’anciens documents à peine esquissés perdus dans la pile des affaires courantes.
Pour ma part, j’ai redécouvert un vieux mail datant de 2009 et qui portait sur des points d’attention particuliers relatifs au métier de Conseiller pédagogique en institution. Il s’agissait d’établir un mémo, une liste de principes, d’invariants … structurels de la posture du Conseiller ou de la Conseillère. Il fait évidemment partie d’un système de relations complexes reliant son Institution, les enseignants (non seulement les professeurs) et les étudiants. Ce mail ne constitue en rien un travail scientifique mais il résulte d’une synthèse (oserais-je, une opération de réflexivité) que j’ai effectuée sur mon métier de Conseiller exercé depuis 1995 à l’IPM (UCL).
En voici la teneur :
Le 20-mai-09 à 16:51, Marcel LEBRUN a écrit :
Bonjour
Dans le cadre de la préparation de nos formations, j’avais émis l’idée d’établir des « invariants », des « principes » ou encore des « lemmes » qui nous permettent d’avancer dans la construction de notre programme sans toujours devoir revenir sur ces « principes ».
Pour leur donner, une forme ludique, j’ai pensé aux douze commandements (les dix commandements, c’est autre chose) :
- Aux priorités pédagogiques de ton institution, toujours tu penseras
– Des questions et besoins des enseignants tu partiras
– Toi aussi, les LO (Learning Outcomes) des enseignants professionnels en avant, tu mettras
– Dans la durée, ton accompagnement et tes formations tu organiseras
– Pour les enseignants, des conditions d’apprentissage en place tu mettras
– A ton imagination et à ta créativité toujours tu feras appel
– Au principe d’isomorphisme, jamais tu ne défailliras
– Tes collègues, dans le doute, tu consulteras
– Équipe et réseau, ta nature seconde seront
– Aux valeurs ajoutées des TIC, attentif tu seras
– Les conséquences de l’évaluation de tes formations toujours tu apprécieras
– De ton activité, le trois fois distillé tu secrèteras et tu communiqueras
Retournant alors dans les arcanes de mon ordinateur, j’ai retrouvé un schéma d’époque et un argumentaire détaillé de ces 12 commandements construit dans les mois voire années qui suivent. Je vous livre ici ce schéma global et présenterai dans des billets successifs les argumentaires et documentations associés à ces principes.
Il me semble intéressant de comparer ces principes, ces lignes de direction avec d’autres travaux ou d’autres documents. C’est à ce travail de mettre en lumière des composantes surdimensionnées ou d’autre carrément oubliées que je vous convierai dans mes prochains billets.
Lecloux S. & Kozlowski D. (Admee, 2012)
TLS Mission and Guiding Principles (McGill)
Aux priorités pédagogiques de ton institution, toujours tu penseras
7. Conseiller l’institution dans le pilotage de la politique d’enseignement
6. Alignment of policies, procedures and practices7. Strategic, systemic and sustainable investments
Des questions et besoins des enseignants tu partiras
2. Sensibiliser et former à la pédagogie en enseignement supérieur1. Accompagner la pratique et conseiller les enseignants, les équipes et les étudiants6. Evaluer les enseignements, les dispositifs et les programmes dans une optique de développement de la qualité de l’enseignement
Dans la durée, ton accompagnement et tes formations tu organiseras
Pour les enseignants, des conditions d’apprentissage en place tu mettras
A ton imagination et à ta créativité toujours tu feras appel
Au principe d’isomorphisme, jamais tu ne défailliras
1. Fostering significant long lasting student learning
Toi aussi, les LO des enseignants professionnels en avant, tu mettras
3. Valoriser la mission d’enseignement
2. Teaching is a scholarly act3. Teaching should be recognized and rewarded as are other forms of scholarly work
Tes collègues, dans le doute, tu consulteras
5. Favoriser les échanges et développer les réseaux entre tous les acteurs concernés par l’enseignement
5. Working in partnerships
Equipe et réseau, ta nature seconde seront
Aux valeurs ajoutées des TIC, attentif tu seras
8. Produire et mettre à disposition des ressources, des outils
Les conséquences de l’évaluation de tes formations toujours tu apprécieras
4. Our practice is evidence based
Lecloux, S. & Kozlowski, D. (2012). Evaluer les compétences professionnelles des conseillers pédagogiques à l’université à l’aide d’un référentiel. Colloque de l’Admee, Luxembourg. Consulté le 19 juillet 2013 : admee2012.uni.lu/pdf2012/A37_03.pdf (Avec la participation des conseillers (techno-)pédagogiques de l’Académie Wallonie- Bruxelles : Frédérique Artus, Marie Blondeau, Cédric Boey, Marie Boulvain, Joëlle Dequesne, Julie Hellenbosch, Dorothée Kozlowski, Alain Lammé, Sophie Lecloux, Libérat Ntibashirakandi, Nadine Postiaux, Rudy Potdevin, Nicolas Roland, Alice Salcin, Eric Uyttebrouck)
TLS (Teaching and Learning Services) Mission and Guiding Principles. Consulté sur le site du TLS de l’Université McGill.
Cela fait quelques mois qu’on en parle à demi-mots, ici et là-bas, en Belgique et Outre-Quiévrain …
Mais voilà, les accords sont pris et la campagne de presse s’annonce !
Une petite histoire
C’était en avril 2012, lors du WWW2012, qu’avec mon comparse de causeries (Christophe Batier de l’UCBLyon I), nous avons discuté de projets pour un nouveau genre de LMS. Il était temps car la plupart des plateformes actuelles sont nées il y a une dizaine d’années. En mai, à l’AIPU de Trois-Rivières (Québec), on en parlait lors d’une causerie.
Claroline est née en 2001 à l’Université catholique de Louvain et avec toutes ces années, les outils, les usages, les besoins … se sont développés d’une manière tellement radicale, qu’on ne pouvait plus faire évoluer ces outils à coups de « patch », de rafistoler la plateforme pour la mettre au « goût du jour ». Dans le cadre du Consortium Claroline, nous y réfléchissions depuis quelques années : la décision fut difficile tant l’investissement était lourd. Pourtant, il fallait y aller, il fallait reconstruire un « noyau », une sorte de moteur pour le logiciel qui permettrait de tenir compte de l’avancée des outils « déjà-là » du Web 2.0, des usages des générations (les natifs et les autres), des besoins de la formation initiale et continue, toutes deux secouées par les approches-compétences et les approches-programmes, par la disponibilité des ressources (Tout est transmis, dirait Michel Serres), par les MOOC (Massive Open Online Courses), les EPA (Environnements personnels d’apprentissage), l’édition numérique, l’internationalisation de la formation … vous complèterez bien la liste.
Donc, j’en ai parlé avec Christophe (qui lui, pilote à Lyon le projet Spiral Connect, une plateforme découverte lors de mon séjour sabbatique à Lyon) et très vite on s’est mis d’accord : on va bosser ensemble avec nos équipes sur ce nouveau concept de plateforme … Claroline Connect : l’innovation, l’ingéniosité de Spiral et l’intuitivité, la rigueur de Claroline … le feu et l’eau, l’ordre et le désordre (j’exagère) … une des mes métaphores favorites. Plutôt, des espaces de liberté avec des jalons, des indicateurs …
Les partenariats avec la Région « Rhône-Alpes » (car évidemment nos partenaires de la Région, déjà membres effectifs du Consortium s’y sont vite intéressés : Ecole centrale de Lyon, EM Lyon, Saint-Etienne …), le soutien de la Région Wallonne … se sont rapidement mis en place, les équipes sont constituées … le prototype fonctionnel de Claroline Connect est prévu pour septembre 2013 et la migration des plateformes institutionnelles (utilisatrices de Claroline, de Spiral et pourquoi pas d’autres plateformes) est prévue à la rentrée (septembre 2014). En outre des projets de recherche-développement sont venus accompagner, soutenir et fertiliser le projet.
Des idées génériques vers des fonctionnalités revues
Sans vouloir faire le décompte exhaustif de nos chantiers et de nos objectifs en voici quelques-uns :
(1) Dépasser (sans la négliger) la notion de « cours » pour aller vers le « développement de compétences ». Les plateformes actuelles sont construites principalement sur des « cours » créés par les utilisateurs enseignants. Sans les mettre de côté, nous proposons la notion d’espaces d’activités plus souples dans les contextes actuels : une approche par problèmes, par exemple, est transversale à plusieurs « cours » et vise le développement de compétences, contextualisation fertile d’un ensemble de connaissances, de ressources ; un portfolio est un espace d’activité orientée et gérée par les étudiants dans le cadre de la validation d’un parcours ; ces compétences sont pilotées et construites dans une approche-programme association interactive de plusieurs enseignants … Il s’agit aussi d’une occasion d’ouverture à d’autres types d’activités : des projets de recherche dans une université, un projet d’innovation ou de co-élaboration au sein d’une entreprise … bref, une plateforme d’eLearning et d’eWorking …
(2) Utiliser les ressources externes pour mieux se concentrer sur le dispositif d’apprentissage. Les réformes éducatives actuelles visent au développement de l’autonomie voire de l’autodidaxie (Apprendre à apprendre) des étudiants. Les EPA (Environnement Personnel d’Apprentissage) se développent à l’heure des MOOC (tels Coursera ou EdX). Aussi, notre attention est dirigée vers les réservoirs de ressources disponibles au travers des UNT (Universités numériques thématiques) voire des MOOC et des éditions numériques des Textbooks. Une plateforme actuelle se doit de tenir compte de ces nouvelles ressources, de ces bases de données de ressources partagées … et aussi d’offrir des environnements proches de ceux qui se développent au sein du Web 2.0 ou du moins de permettre une interaction transparente avec ceux-ci. C’est ainsi que des espaces d’activités, véritables agrégateurs de savoirs, pourraient être créé par les étudiants eux-mêmes au sein d’un projet pédagogique dûment balisé.
(3) Travailler en réseau pour redonner du sens à la présence. Le collectif, l’apprentissage collaboratif ou mieux co-élaboratif est à l’ordre du jour. Des réseaux d’apprenants (et nous sommes tous apprenants toute la vie durant) se créent, ils se mêlent aux réseaux de praticiens du monde socio-professionnel. Les universités « traditionnelles » redonnent du sens à la présence (les « campus ») dans des collaborations larges avec leur région voire à l’international. Des plateformes locales se doivent donc de communiquer entre elles permettant ainsi la flexibilité et la mobilité des environnements des étudiants, des enseignants, des travailleurs. La plateforme « Claroline Connect » communiquera (ou pourra communiquer) ainsi avec d’autres plateformes dans le cadre du partage et de la construction des connaissances et des dispositifs de formation établis. Des banques de dispositifs pédagogiques pourront être partagés entre des enseignants ou des utilisateurs du monde entier au service de leur développement professionnel (dans une optique de SOTL).
(4) Gérer les collectifs, les communautés, les groupes … Le collectif encore. Des étudiants, des utilisateurs, des chercheurs sont inscrits respectivement ou cumulativement dans des « cours », dans des programmes, dans des équipes, dans des groupes où alors ils travaillent en duo ou même en solo sur un projet précis. On comprendra aisément que toutes ces liaisons sont difficiles à gérer, à suivre au sein du bureau de l’utilisateur. Ce dernier répondra à ce besoin d’ordre en proposant des trémies (des filtres) et en se reconfigurant selon les choix du moment : le travail que je mène avec tel autre étudiant, le projet que je conduis avec telle équipe, mes abonnements à tels services ou au portail de l’institution … Selon le choix, le bureau sera à même de se configurer en mettant en place, en action, les ressources nécessaires, les autres utilisateurs concernés … et les outils nécessaires à l’exécution des tâches.
(5) Partager des dispositifs pédagogiques. Pour terminer ce bref aperçu, un enseignant ou un formateur qui aura construit un scénario intéressant, un dispositif particulier (imaginons un « peer review » entre étudiants) … pourra abstraire ce dispositif en le rendre disponible sous forme d’un modèle, d’un patron, d’un « template » à d’autres enseignants, formateurs. Le partage des pratiques est une donnée incontournable dans le développement professionnel des enseignants, la nouvelle plateforme permettra de les objectiver.
(6) Mobiles. Les outils mobiles, smartphones et tablettes, sont de plus en plus utilisés par nos apprenants pour visualiser des ressources, rester connectés avec « ses groupes », partager les informations. Ils sont devenus de facto les outils de l’apprendre toute la vie durant … Claroline Connect devra s’adapter pour s’infiltrer dans ces écrans de formes variées.
Et vous ?
Notre projet, notre Consortium est largement ouvert. Vous avez des idées, vous voulez les voir à l’oeuvre dans le nouvel outil. Rejoignez-nous ! Dès que le noyau sera fonctionnel, les membres effectifs pourront contribuer à la plateforme via son architecture modulaire.
C’est vrai, pas mal d’institutions ont fait d’autres choix (Moodle, Dokeos … d’excellentes plateformes par ailleurs … et même des LMS commerciaux). Ce que nous vous proposons c’est une Communauté proche, largement européenne, d’origine francophone et largement ouverte sur la francophonie, latine de coeur mais ouverte aux cultures différentes … Nous pensons fortement que deux orientations importantes nous démarquent de la concurrence :
(1) Simplicité, intuitivité toujours. S’il s’agit de contribuer au développement professionnel des enseignants et plus largement à celui du système éducatif, il nous paraît important de ne pas orienter le choix de la plateforme sur une longue liste de fonctionnalités, de modules. Trop souvent, ce sont de telles considérations purement informatiques qui guident le choix. Une plateforme qui offre tous les modules possibles permettant de « faire des choses complexes » sur le plan pédagogique, rend bien souvent la réalisation de « choses simples » compliquée. Nous pensons qu’une plateforme simple, intuitive (une des caractéristiques largement reconnues de Claroline et que nous souhaitons maintenir) est le meilleur moyen de faire entrer les enseignants dans l’évolution, pédagogique et technologique, de plus en plus impérative du monde éducatif. Encore faut-il que la technologie ne soit pas l’obstacle premier.
(2) Généricité et spécificité. Tout en souhaitant et encourageant le développement et le partage de modules plus spécifiques voulus par les institutions-membres voire les utilisateurs, il nous semble important que la plateforme, au travers de son noyau, permette la construction de dispositifs pédagogiques partageables à partir de briques de base intelligentes, les outils de la plateforme. Les modèles (ou Templates décrits au point 5) sont ainsi plus facilement accessibles et exploitables par les enseignants, étant construits sur les outils génériques (fonctionnalités) de la plateforme. Bon nombre de plateformes disposent bien évidemment d’une large collection de modules spécifiques mais ceux-ci demandent des apprentissages particuliers chaque fois à refaire.
Conférence donnée à TiceAlpes 2012 (Grenoble, Juin 2012)
Les questions relatives aux impacts du numérique dans l’éducation et la formation font couler beaucoup d’encre. Entre discours enthousiasmants, résistances farouches et déconvenues fracassantes, entre les potentiels des TICe et les nécessités de faire évoluer leurs contextes d’implantation, il est bien difficile de tracer un cheminement fertile pour que nous, humains, ne restions pas au bord des autoroutes de l’information qui nous submerge et de la communication qui nous épuise. Il ne s’agit pas d’ajouter une couche technologique aux habitudes de transmission des savoirs prises à l’époque où le livre était rare. L’école (au sens large) demande une révision profonde. D’espace « privé » en lieu et temps, elle devient plus que jamais espace d’écolage pour la société complexe, espace mobile pour un apprentissage toute le vie durant. Les classes inversées (« flipped classrooms »), les Learning-Lab … nous montrent le chemin mais la route sera longue. Il ne s’agit pas tant d’outils, de méthodes que de changements de mentalités.
Pourtant, les recherches entreprises autour du phénomène du « No Significant Difference » montrant le peu d’impact des approches restées traditionnelles « autour » des nouveaux outils, les préceptes des sciences de l’éducation pour une pédagogie centrée sur l’apprentissage devraient nous éclairer. Parmi les conditions qui émergent de ces études, celle de l’alignement, de la cohérence entre les objectifs (aujourd’hui, après les compétences, les « learning outcomes »), les méthodes mises en place pour les atteindre et les évaluations de cette atteinte par les étudiants (Biggs, 2003) est fécond : il y manque, selon nous, les outils (ressources, instruments et réseau) qui pourtant imprègnent ces piliers de la construction de dispositifs à valeurs ajoutées. En effet, les objectifs exprimés en termes de compétences (recherche d’information, esprit critique, travail d’équipe, communication …) sont colorés par le numérique; les méthodes orientées vers l’apprentissage effectif et augmenté seront soutenues par ces mêmes outils.
Des usages et des dispositifs
Dans cet ordre d’idée, nous avons bien montré, dans le contexte des usages de la plateforme Claroline et de la recherche européenne Hy-Sup, que les perceptions des étudiants quant à la qualité des apprentissages dépendaient des usages effectivement mis en place par les enseignants. Ces derniers catalysent et dynamisent leur développement professionnel, une mission des Centres ou Services de Pédagogie Universitaire. Sont-ils transmissifs, incitatifs ou alors interactifs ou encore une combinaison de ces usages ? Continuer à faire ce qu’on faisait « avant » en plus et en même temps que ce qu’il faudrait faire aujourd’hui, à l’heure de la génération « C » ou « Y », conduira à une surcharge cognitive à l’échelle planétaire. Un changement de paradigme s’impose à tous les échelons : étudiants devenus apprenants, enseignants devenus créateurs de dispositifs pour favoriser l’apprentissage, citadelles du savoir au monopole perdu. Entre l’enseignant et son savoir au centre, entre l’étudiant au centre … ce sont des formes plus collaboratives, plus horizontales qui sont à créer entre société, école et vie socio-professionnelle.
Devenir intelligents …
A la recherche de cette cohérence incluant désormais les outils des TICe, à la frontière des compétences énoncées mais auxquelles on ne forme pas vraiment et qu’on valide rarement, dans l’optique d’une formation qui « apprend à apprendre toute la vie durant », le besoin d’un modèle pragmatique d’apprentissage auquel se raccrocher se fait sentir. Il se veut un guide du cheminement dont nous avons parlé, de cette mise en place progressive de l’innovation qui ne se décrète pas. Ces mutations sont lentes et le danger de fossilisation des pratiques nous guette. Les enjeux sont énormes et finalement « les technologies nous ont condamnés à devenir intelligents » (M. Serres).
Et voici les commentaires …